Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 janvier 2024, vient de rejeter l’article 81 du projet de loi pour contrôler l’immigration et renforcer l’intégration, qui faisait partie de plusieurs dispositions spécifiques aux territoires d’outre-mer.
Si d’autres dispositions ont été validées par la haute juridiction, l’article 81 proposait un durcissement des conditions d’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés de parents étrangers dans les territoires de la Guyane, de Saint-Martin et de Mayotte où l’immigration irrégulière est très forte.L’article 81 prévoyait que, selon le territoire concerné, les deux parents (pour Mayotte) ou un seul (pour la Guyane et pour Saint Martin) aient résidé régulièrement sur le territoire depuis un certain temps.
Or, le Conseil constitutionnel a rejeté pour des raisons de forme cette disposition, considérant qu’il s’agissait d’un « cavalier législatif ». Toutefois il ne s’est pas prononcé sur le fond et n’a donc pas dit si l’article 81 respectait les principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’indivisibilité de la République, que les députés ayant saisi le Conseil constitutionnel avaient invoqués à l’appui de leur saisine.
Ainsi, les conditions d’acquisition de la nationalité française dans ces territoires demeurent-elles dans leur état initial puisque le Président de la République a promulgué la loi, expurgée des dispositions jugées inconstitutionnelles par la haute juridiction.
En clair, sauf à ce qu’un dispositif législatif vienne à la rescousse, l’explosion démographique dans ces territoires d’outre-mer risque de se poursuivre, voire de s’accélérer eu égard au contexte international.
En effet, le débat sur l’acquisition de la nationalité dans ces territoires ne relève pas d’un simple affrontement entre partisans du droit du sol contre partisans du droit du sang, pas plus qu’il ne vise à remettre en cause les valeurs de la République. Le problème est très ancien puisque déjà en 2004, la loi-programme pour l’outre-mer présentée par Brigitte Girardin, alors Ministre des Outre-mer du gouvernement Raffarin, visait à juguler l’immigration clandestine, notamment en Guyane. Or, la situation n’a fait depuis qu’empirer.
En effet, pour ces territoires situés à 7000 kilomètres de l’hexagone, il s’agit de faire face dans une configuration d’insularité – pour Mayotte et Saint-Martin – à une explosion exponentielle de leur démographie et du désastre social qui en découle. Cette situation est de fait en totale rupture avec le principe d’unité de la République.
Loin de tout débat idéologique, la réalité des chiffres parle d’elle-même. Ainsi, l’INSEE relevait en janvier 2023 que près de 48% de la population mahoraise était de nationalité étrangère, dont la moitié en situation illégale essentiellement en provenance des Comores, l’un des pays les plus pauvres de la planète. Au cours des vingt dernières années, la population du 101e département français a doublé alors que ses infrastructures n’ont pas connu le même développement. En clair, c’est comme si l’hexagone comptait 20% de sa population soit près de 13 millions d’étrangers en situation irrégulièresans se donner les moyens d’assurer leur présence humainement acceptable sur son territoire. Le tout dans un contexte économique dramatique puisqu’à mayotte 34% de la population active est au chômage, avec un niveau de vie sept fois plus faible qu’au plan national.
Il en va de même en Guyane, dont le territoire est certes plus vaste mais sur lequel la population se concentre sur la bande nord du département. Là aussi, la part de l’immigration clandestine dans la population totale varie entre le quart et le tiers de la population totale. En outre, ce sont désormais près de 3000 personnes qui demandent l’asile en Guyane. Pire, l’insuffisance des structures sociales est d’ailleurs à l’origine d’épidémies de toutes natures comme le dénonce l’Agence Régionale de Santé. La Guyane est devenue le point d’aboutissement en Europe de migrants venant du bassin méditerranéen qui, via le Brésil, arrivent en Europe en s’établissant dans le département.
Il en va enfin de même pour l’île de Saint-Martin qui doit accueillir également un nombre considérable de personnes en provenance des îles voisines de la Caraïbe.
Certes, des mesures ont été prises par le passé pour réduire cette arrivée massive de clandestins mais elles se sont avérées largement insuffisantes. Cette explosion démographique déstabilise en effet gravement le corps social des territoires concernés. L’attachement aux valeurs de la République ne doit pas pour autant conduire à un aveuglement face à cette réalité qui porte atteinte au principe d’égalité constitutionnelle auquel nos concitoyens vivant outre-mer par rapport à ceux qui vivent dans le reste du pays peuvent prétendre. Comment en effet respecter le principe d’égal accès aux soins si,dans la plus grande maternité de France, celle du centre hospitalier de Mayotte (CHM), le taux d’occupation des lits est de 140% et où l’on manque de tout ?
Il revient donc en urgence d’une part, au gouvernement de reprendre une initiative législative propre à ce sujet et dans les meilleurs délais et d’autre part, aux pouvoirs publics de doter les territoires d’outre-mer concernés via les collectivités locales, des moyens d’assumer l’accueil des populations migrantes et surtout de renforcer le contrôle aux frontières.
Plus que jamais nous ne pouvons délaisser les territoires de la France périphérique qui sont partie intégrante de notre République française!
Jean-Claude BEAUJOUR,
Avocat