Le 21 décembre 1896, lors d’un dîner présidé par le ministre de l’Intérieur M. L. Barthou, Marcel Fournier énonce les actions menées par la Revue politique et parlementaire et ses projets. Son discours est reproduit dans le n°31de la RPP.
[…] Quand j’ai fondé la Revue avec mes deux amis Félix Roussel et du Vivier de Streel, nous avions été frappés des difficultés de toute nature qu’éprouvaient ceux qui ne demandaient qu’à utiliser, qu’à employer leur bonne volonté : aucune organisation dans le parti républicain faisant une place, ou facilitant un accès aux jeunes énergies, aucun centre actif, vivant, vibrant, rien de préparé pour l’action.
Dès lors, nous partîmes de cette idée que presque tout était à faire pour l’organisation pratique d’un grand parti républicain de gouvernement : nos idées se précisèrent et nos efforts furent dirigés vers un triple but :
– 1° Fonder une Revue qui serait une œuvre d’éducation politique pratique et qui s’adresserait non pas à la masse de l’armée démocratique, mais aux cadres de cette armée ;
– 2° Créer pour les élus du suffrage un bureau d’études, véritable Office du travail parlementaire, dont je vous parlerai dans un instant ;
– 3° Enfin, comme il ne suffit pas de dégager des solutions justes, mais qu’il importe surtout de les répandre et de les vulgariser, pour les faire admettre, organiser une propagande très active pour l’éducation politique de la démocratie, à l’imitation de ce qu’ont déjà fait les Anglais et les Américains avec leur Extension University Movement.
Tels étaient nos projets, en 1894. Aujourd’hui, après bien des difficultés surmontées, où en sommes nous ? À quels résultats sommes-nous arrivés ?
1° La Revue est fondée, son existence est assurée, son autorité est réelle, son succès est incontesté et je crois pouvoir affirmer que c’est le seul organe de cette nature qui existe dans les pays parlementaires.
2° Notre deuxième but est atteint également, car le bureau d’études ou Office du travail parlementaire existera dans un local spécial, attenant à celui de la Revue, à partir du 1er janvier. Vous saisissez immédiatement quels services pourra rendre un Office de ce genre. Je m’étonne même qu’il ne fonctionne pas depuis longtemps. Certes, nous ne pourrons pas avoir immédiatement des dossiers complets et à jour sur toutes les questions, mais dans quelques mois, quand les premiers dépouillements seront terminés, nous pourrons faciliter et documenter le travail de tous ceux qui voudront étudier et approfondir les questions soumises au Parlement et aux différents corps élus. […]
3° Reste enfin notre troisième but à atteindre : c’est-à-dire organiser une active propagande populaire dans le sens le plus pratique et contribuer ainsi à l’éducation politique de notre démocratie.
C’est là, une grande tâche. Les Anglais et les Américains en ont compris toute l’importance ; aussi, à mesure qu’ils ouvraient les portes de la vie publique aux masses démocratiques, ont-ils essayé de créer les organes nécessaires et appropriés pour leur éducation politique. […]
Pour n’avoir pas rempli notre devoir d’éducation politique et sociale, nous avons, sur bien des points, laissé prendre à d’autres la direction des esprits et perdu le contact avec ces masses populaires, qui cependant nous avaient aidés à fonder la République.
Nous ne nous sommes pas réveillés, nous n’avons, en réalité, aperçu le danger qu’au moment où il nous crevait les yeux et où c’est une question vitale d’y remédier.
Eh bien ! Cette propagande éducative, il faut la reprendre à tout prix ; il faut la reprendre avec une sorte de foi républicaine nouvelle qu’il me semble facile de retrouver, quand on constate l’idéal d’effroyable tyrannie qu’on nous propose, alors que nous représentons toujours la défense de la liberté dans son sens le plus élevé et dans ses manifestations les plus larges. […]
Marcel Fournier
Directeur de la Revue politique et parlementaire