Les chercheurs se meuvent avec aisance dans l’incertitude, qui est leur milieu naturel. Mais cette incertitude est pour eux un moteur, un challenge et sans doute une source d’adrénaline pour tenter de se dépasser, d’aller toujours plus loin, de résoudre l’équation, quitte à déboucher sur une autre encore plus complexe.
L’incertitude que connaît le public – et qui est forte en ce moment sur les questions scientifiques – contribue au contraire à le tétaniser, l’inquiéter, le bloquer dans ses opinions et ses comportements. D’où une attitude de méfiance, particulièrement sensible en France, non pas à l’égard de ceux qui produisent la science, les chercheurs, mais à l’égard de ceux qui en utilisent les résultats, en les dévoyant parfois, à savoir les institutions, les entreprises, les politiques. Les chercheurs en effet conservent une bonne image d’acteurs purs et désintéressés même si elle s’est un peu effritée au cours du temps. Selon les enquêtes que mène le sociologue Daniel Boy depuis 1972 sur « Les attitudes des Français à l’égard de la science », 80 % des Français adhèrent en 2018 à la vision du chercheur dévoué au bien commun, dans la tradition du bon savant incarné par Pasteur ou Pierreet Marie Curie. Le score est plus faible qu’en 1972 où il était de 88 % mais bien meilleur que le taux de confiance accordé aux entreprises (47 %) et à l’Assemblée nationale (38 %).
Cette confiance/défiance à l’égard du progrès tient sans doute aux tensions internes qui caractérisent le monde scientifique et au fait que la science se construit sur la curiosité et le doute, dans une temporalité longue, alors que la société et les politiques attendent des certitudes et des solutions, immédiates de préférence.
La science avance par controverses
Le monde des scientifiques n’est pas un modèle de paix et d’harmonie, il peut même être féroce. Il est indéniable que l’histoire des sciences depuis l’Antiquité est jalonnée de disputes, d’affrontements plus ou moins violents et passionnés. La science en effet n’avance qu’en « se raturant elle-même » selon l’expression de Victor Hugo, à la recherche non pas d’une vérité mais d’un modèle qui fonctionne à un certain moment, en fonction des données dont on dispose et qui pourront demain être modifiées. D’où les controverses et les soubresauts qui jalonnent son histoire.
Qu’il s’agisse de l’existence de l’atome, du vide, de l’héliocentrisme, du Big Bang, de l’évolution, plus récemment du sida, du changement climatique, des vaccins, de la procréation médicalement assistée, ou de l’intelligence artificielle, chaque « mutation » de la science passe par une déconstruction douloureuse et des conflits parfois violents. Comme si le conflit, ou du moins la dialectique, était en quelque sorte le moteur de la science. Mais une dialectique qui n’aboutit pas toujours, après la thèse et l’antithèse, à une synthèse harmonieuse et apaisée.
La physique semble être un terrain de prédilection pour les bagarres, les revirements, les vérités successives.
C’est le cas de bien d’autres disciplines, bien sûr, mais celle-ci, par sa noblesse, son rang hiérarchique, son ancienneté et sa proximité avec la métaphysique a le don d’exacerber les conflits.
Ainsi au début du XXe siècle, alors que la théorie d’Einstein suscite déjà bien des polémiques car elle met en cause la conception classique du temps, les choses se compliquent singulièrement avec le surgissement d’une seconde théorie, celle de la physique quantique.
Celle-ci, portée par un quatuor de physiciens : Niels Bohr, Max Born, Werner Heisenberg et Erwin Schrödinger, introduit un principe d’incertitude extrêmement dérangeant ; ainsi il n’est plus possible de mesurer à la fois la position ou la vitesse d’une particule mais seulement l’une ou l’autre. De plus le fait de le mesurer change l’objet mesuré, ce qui met à mal la notion de continuité ou de déterminisme. Imposer cette approche non orthodoxe a donné lieu à de vives controverses, notamment dans les congrès Solvay de Bruxelles : Einstein refusait le principe d’incertitude défendu par Heisenberg, le réel ne pouvant pas dépendre selon lui d’un mode d’observation, et pire encore se trouver simultanément dans plusieurs états, en vertu du principe de superposition. Schrödinger a bien tenté de le convaincre, mais sans succès, avec sa célèbre (et heureusement fictive) expérience de chat à la fois vivant et mort, fondée sur un phénomène de décohérence.
Et pourtant la théorie quantique et ses concepts contre-intuitifs ont été confortés par des applications bien réelles comme le GPS ou le laser. Actuellement on tente encore de réunifier la théorie quantique, fondée sur le discontinu, et celle de la relativité fondée sur la continuité car on comprend mal que le réel soit gouverné par des systèmes aussi distincts.
Quand le citoyen s’invite dans la controverse
La controverse peut rester dans un cadre strictement académique (c’est le cas par exemple pour la dérive des continents, ou le rayonnement des trous noirs, qui troublent modérément l’opinion) ou provoquer des scandales si elle met en cause des croyances établies, voire sacrées.
Quand au XVIe siècle Copernic fait tourner la Terre autour du Soleil alors que l’inverse est établi, c’est une révolution inconcevable. Son livre sera mis à l’index par les autorités religieuses. L’Église est puissante et Galilée sera obligé d’abjurer l’héliocentrisme en 1633. La théorie de l’évolution de Darwin remettant en cause l’idée d’un Dieu créateur est vue comme sacrilège, et c’est encore le cas actuellement chez les créationnistes.
Aujourd’hui la religion occupe une place marginale, mais la science draine des intérêts financiers considérables et les groupes de pression sont désormais mus par des intérêts économiques plutôt que religieux : l’heure est plutôt aux controverses technoscientifiques.
Ainsi les débats sur les OGM ou les pesticides sont brouillés par les énormes enjeux financiers des industries chimiques, de même que les médicaments mettent en cause une industrie pharmaceutique obsédée par le profit et que la lutte contre le dérèglement climatique implique l’abandon (improbable) des énergies fossiles par leurs puissants producteurs.
Les sujets concernant la santé étant extrêmement sensibles, les acteurs de la controverse se sont déplacés, sont sortis de l’univers académique pour investir l’espace public. Le débat se situe maintenant entre le pouvoir médical et une opinion de plus en plus informée, (mais pas toujours « bien » informée), qui connaît l’ambivalence des molécules et qui, avant de les absorber, veut évaluer clairement leur rapport bénéfice/risque. Les patients, parfois organisés en associations, sont devenus en quelque sorte des experts, surtout depuis l’apparition du sida, l’émergence brutale de cette maladie ayant conduit médecins et malades à travailler ensemble et, par suite, à remettre en cause l’autorité, jusqu’alors incontestée, du praticien.
D’autres sujets ont investi l’espace public : le climat et ses menaces, l’intelligence artificielle qui nourrit les fantasmes du transhumanisme, le risque de modification génétique avec le fameux CRISPR Cas9, ciseau moléculaire à ne pas mettre entre toutes les mains…
La communication et ses injonctions paradoxales
C’est alors que la communication entre en jeu, diffusant, amplifiant les doutes qui surgissent de toutes parts. Il n’est pas de jour sans qu’un médicament ou un protocole ne soit remis en cause. L’affaire du Levothyrox succède à celle du Médiator, alors que les biphosphonates, traitement classique de l’ostéoporose, sont accusés d’avoir provoqué des dégâts irréversibles. Même scenario pour les traitements substitutifs hormonaux, d’abord portés aux nues et largement administrés, puis déclarés cancérigènes, au point que les gynécologues en arrivaient à dire à leurs patientes : « À vous de choisir entre la peste et le choléra ! ».
Des médicaments contre l’Alzheimer sont déremboursés, parce que cette maladie, affirme le ministère de la Santé, ne doit plus être considérée comme une pathologie mais comme un signe de vieillissement, qu’il convient simplement d’accompagner. L’homéopathie est décrétée totalement inefficace et ses adeptes sont en fait traités par un simple placebo…
Quant aux miraculeux antibiotiques, qui ont sauvé tant de vies depuis la découverte de la pénicilline par Fleming, ils ont provoqué de telles résistances chez les bactéries que leur efficacité est amoindrie, et ce phénomène pourrait devenir la plus grande cause de décès d’ici quelques décennies.
Surfant sur le désarroi des patients, les réseaux sociaux s’emballent et des sites plus ou moins identifiés donnent des recettes de médecine alternative, allant jusqu’à conseiller de boycotter les vaccins !
Sur ces sujets sensibles le citoyen est assailli d’informations contradictoires qui génèrent d’autant plus d’angoisse et de contradictions qu’il ne dispose pas d’outils pour les décrypter.
Peut-on parler d’une crise de confiance des Français envers les vaccins ?
Une enquête Ipsos indiquait en 2016 que seul un Français sur deux considérait que la vaccination présentait plus de bénéfices que de risques. Pourtant selon la même enquête, 84 % des Français affirmaient faire confiance aux médicaments.
La revue Futuribles a interrogé deux experts sur ce sujet Pierre Corvol et David Heard1.
Pour Pierre Corvol, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) estime que la vaccination sauve 2,5 millions de vies par an dans le monde. La variole a été complètement éradiquée, la diphtérie et la poliomyélite ont disparu en France. Pourtant, un quart de la population et des professionnels de santé doute de la sécurité et de l’efficacité de la vaccination, avec comme conséquence que 13 % des parents ne feraient pas vacciner leurs enfants contre le tétanos, la diphtérie et la poliomyélite si l’obligation vaccinale était levée. Pour David Heard cette défiance n’est que conjoncturelle. Elle a été provoquée notamment par la mauvaise gestion de l’épidémie de grippe H1N1 en 2009 mais ensuite, le niveau de confiance a recommencé à augmenter. Bien que les Français qui rejettent massivement les vaccins soient très minoritaires on observe une tendance à « l’hésitation vaccinale », signe évident d’une demande d’information plus cohérente2.
Prenons un autre cas, celui du cholestérol, une substance que nous produisons naturellement mais qui a tendance à augmenter avec l’âge – ou pour d’autres raisons – et donc à devenir dangereuse pour l’organisme.
On sait que le cholestérol est un facteur de risque majeur pour la survenue de maladies cardiovasculaires, l’infarctus du myocarde ou les accidents vasculaires cérébraux. Il n’est pas le seul : l’hypertension, le tabagisme, la sédentarité constituent également des facteurs de risque.
Or, si l’arrêt du tabac et la pratique du sport sont maintenant reconnus comme bénéfiques, il n’en est pas de même pour le traitement du cholestérol, et surtout pour les médicaments utilisés pour le faire baisser. Il s’agit essentiellement des statines et elles sont au cœur d’une polémique.
Adversaires des statines, certains lanceurs d’alerte se multiplient dans des émissions télévisées, sur les réseaux sociaux, publient des livres, alternant habilement attaques violentes et arguments raisonnables. Ils ne lésinent pas sur la violence des arguments. En fait la maladie due au cholestérol aurait été montée de toutes pièces par les laboratoires pharmaceutiques et leurs alliés, avec la complicité des médecins. La norme du cholestérol est passée en 30 ans de 3 g à 2 g, donc tout le monde est malade ou risque de l’être, d’où la prescription massive de médicaments pour le diminuer.
De plus les statines entrainent des décès, des douleurs musculaires, des tremblements, des troubles cognitifs, altèrent les ligaments, la mémoire…
L’habileté des différents sites de médecine alternative, qui attaquent les statines, est d’avoir aussi des arguments très sensés : le cholestérol n’est pas le seul coupable, le risque vasculaire dépend d’autres facteurs, les plaques d’athérome sont composées aussi de calcaire, de tissu fibreux, c’est l’altération de l’artère qui est grave et surtout le style de vie le tabac, la sédentarité, l’hypertension, le diabète, le stress.
Ce discours, nul ne le conteste et surtout pas le patient qui essaie d’y comprendre quelque chose. Mais quand un médecin sur un plateau de télévision tente de surmonter la cacophonie ambiante en disant « nul ne peut contester la diminution de la mortalité avec les statines en prévention secondaire », (c’est-à-dire pour les patients qui ont déjà été victimes d’un accident cardiovasculaire), il est à peine entendu.
C’est là qu’intervient la responsabilité des médias dans le débat sociétal.
Les journalistes n’ont-ils pas un faible pour les imprécateurs, au détriment de ceux, plus discrets, trop discrets, qui détiennent le savoir ?
Alain Tedgui, lauréat du grand prix Inserm 2018 et directeur du PARCC (Paris Centre de recherche cardiovasculaire de l’HEGP) est particulièrement virulent quand on l’interroge sur ce sujet et pourfend les fake news qui courent sur le cholestérol3.
Pour lui il n’y a pas de controverses, il y a des faits scientifiques. Le lien est prouvé entre taux de cholestérol et accidents cardio-vasculaires. En fait le cholestérol n’est pas une maladie en soi mais il est un facteur déclenchant, nécessaire mais non suffisant. Chez un sujet qui présente des facteurs de risque, c’est bien le cholestérol qui va servir de détonateur et provoquer la maladie inflammatoire, l’athérosclérose et son cortège d’accidents graves.
Quand il entend un confrère affirmer que « le cholestérol ne joue aucun rôle ni sur l’infarctus, ni sur les AVC, Alain Tedgui ne cache pas son irritation « les bras m’en tombent ! » s’écrie-t-il.
Il reconnaît qu’il y a trop de prescriptions : si vous n’avez aucun facteur de risque, inutile d’en prendre. Mais le combat – légitime – contre l’excès de prescription des statines s’est transformé en une contestation de leur rôle bénéfique. Il prévient : « Attention, on est à l’aube d’un scandale de l’arrêt des statines ! ».
Comment y voir plus clair ? La situation est complexe. D’une part les Français font globalement confiance au monde de la science et de la recherche, et mettent beaucoup d’espoir dans la recherche médicale4. D’autre part ils manifestent régulièrement de la défiance à l’égard du progrès médical, en la cristallisant sur tel ou tel sujet.
Il est clair que la nature de la source d’information est décisive : d’une part des « savants » qui ne s’expriment pas suffisamment auprès du grand public, d’autre part des réseaux incontrôlés mais efficaces, porteurs de rumeurs et de menaces plus ou moins terrifiantes, en particulier sur l’usage de certains médicaments.
Pour ce qui est du dérèglement climatique, il a acquis le statut d’une vérité établie mais les consignes n’en sont pas plus claires pour autant.
Certes les scientifiques et en particulier le GIEC sont maintenant écoutés, surtout depuis la COP 21 en 2015, et les politiques s’appuient enfin sur leurs messages. Mais les solutions restent déconcertantes : « contribuez à la croissance, mais arrêtez de polluer », « passez par internet pour vos démarches, vos impôts, vos billets d’avion, (d’ailleurs ne prenez plus l’avion) mais attention les mails sont dévoreurs d’énergie », « soyez mobiles, surtout pour sortir du chômage, mais n’utilisez pas votre voiture » ou alors elle doit être électrique, mais d’où viendra cette électricité puisqu’on va diminuer les centrales nucléaires ? Des impératifs contradictoires et culpabilisants qui ont probablement contribué à l’émergence de la colère des « gilets jaunes ».
Et que dire des messages des magazines de mode qui incitent par leurs superbes photos à la consommation de vêtements de luxe tout en proclamant, dans les articles voisins, leur engagement écologique en faveur de la sobriété et leur critique de l’industrie du textile, accusée de contribuer fortement à la dégradation de notre planète ?
Comment répondre à une situation qui interpelle les scientifiques et les médias ? Pierre Papon, physicien, ancien DG du CNRS propose une approche démocratique5. Il estime que la méfiance du public provient de la mainmise de l’État sur l’expertise scientifique et technique. D’abord avec le nucléaire, puis avec les OGM, et les vaccins. Une composante idéologique anime cette contestation : la dénonciation d’un système industriel-capitaliste et, dans le cas du nucléaire, d’un système militaro-étatique. D’où une méfiance envers ces experts, nourrie de plus par les scandales de l’amiante, des pesticides, du rôle du tabac. Pour déraciner cette contestation il convient d’aller vers une expertise qui ne soit pas le monopole de l’État, qui mêle des experts de visions et de cultures différentes. Le Parlement reste un lieu légitime de débat avec les politiques – et avec les citoyens.
Un impératif catégorique : l’intégrité du chercheur
La science est par essence le lieu de toutes les transgressions. Le désir de savoir est un moteur puissant, difficile à contrôler. Pour la psychanalyse, la pulsion épistémophilique est un avatar de la curiosité de l’enfant pour la sexualité qui se sublime à l’âge adulte en goût de la connaissance. Mais l’interdit demeure et les dieux ont depuis toujours manifesté leur colère chaque fois que l’homme a voulu accéder à la connaissance ou à la maîtrise d’une technique susceptible d’accroître sa puissance.
La malédiction persiste mais la curiosité est toujours la plus forte. Et si la connaissance est légitime, c’est son usage qui pose problème.
Un encadrement législatif est devenu nécessaire.
Rappelons que le Comité consultatif national d’éthique a été créé en 1983, après la naissance en 1982 d’Amandine le premier bébé éprouvette. Et Jacques Testart, « père » de cette fécondation in vitro, avait pris lui-même la décision de se donner un moratoire.
Certes des dérapages sont toujours possibles. Le 27 novembre 2018 un chercheur chinois annonce la naissance de deux jumelles qu’il a génétiquement modifiées en vue de les rendre résistantes au sida car leur père est séropositif. Une décision individuelle et non autorisée qui provoque une vive émotion dans le monde scientifique dans lequel un mot d’ordre domine : ne pas toucher à l’irréversible. Et le chercheur doit être irréprochable.
Autre problème : l’impératif du « publish or perish » qui pèse sur le chercheur et le pousse à une course folle à la publication peut induire des tentations de fraude. Manipulations d’images, plagiats, exagération des résultats, fausses découvertes… Les reviewers, chargés de l’évaluation ne sont pas toujours très objectifs. Il existe même des faux reviewers. Un chercheur sud-coréen a fourni, pour la relecture de ses papiers, des adresses mails qui arrivaient chez lui, lui permettant d’être son propre relecteur ! La supercherie a été découverte en 2012, entrainant le retrait de 28 articles que ce spécialiste des plantes avait réussi à faire publier !
Mais ces anecdotes restent marginales et le milieu s’autorégule avec une grande rigueur. En 2016, à la demande du gouvernement, le Professeur Corvol publie un rapport sur l’intégrité scientifique, pour faire un état des lieux et proposer éventuellement des solutions.
Pierre Corvol préconise de distinguer l’intégrité scientifique, c’est à dire les règles qui gouvernent la pratique de la recherche, de l’éthique de la recherche qui aborde de façon plus large les grandes questions que posent les progrès de la science et leurs répercussions sociétales.
« Autant les questions d’éthique font débat, écrit-il, autant l’intégrité scientifique ne se discute pas. C’est un code de conduite professionnelle qui ne doit pas être enfreint. Elle s’impose en science, comme s’imposent les codes professionnels de déontologie pour les médecins et les avocats. »
Ce distinguo entre éthique et intégrité – deux piliers de l’excellence dans les pratiques de recherche – est particulièrement intéressant car il renvoie à la rencontre de deux impératifs : la morale personnelle du chercheur, confrontée mais pas toujours confondue, avec les règles déontologiques établies par la société ou par les institutions.
Une autre façon de décliner le principe d’incertitude
Il est évident que la multiplication des acteurs et des circuits a complexifié le paysage scientifique, et l’importance des enjeux l’a fortement dramatisé. Quand c’est la survie même de l’humanité qui est en cause comment donner un sens aux données qui affluent ? Comment vivre dans ces contradictions ? En les sublimant dans la fiction littéraire ou cinématographique pour ceux, nombreux, qui en ont le goût et le talent… Et pour tous les autres, en évitant le repli sur soi, en sélectionnant ses sources d’information, en faisant comme les scientifiques de cette incertitude non pas une impasse mais une ouverture sur les possibles.
Françoise Tristani-Potteaux
Philosophe, docteur en sciences de la communication
Elle a publié plusieurs ouvrages sur la presse et sur la science dont récemment Profession ? Chercheur, CNRS Éditions, septembre 2019.
- Pierre Corvol est Administrateur honoraire du Collège de France, Président de l’Académie des sciences. David Heard est Directeur de la communication et du dialogue avec la société chez Santé publique France, établissement public chargé de la surveillance de l’état de santé des populations et de la prévention des risques sanitaires. ↩
- Source : Futuribles « Des Français plus méfiants vis-à-vis du progrès médical ? Regards croisés », 14 mai 2018. ↩
- France Inter, La tête au carré, 20 décembre 2018. ↩
- Comme en témoigne une enquête d’Opinion Way « Regards et attentes des Français sur la recherche scientifique », sondage OpinionWay pour QuattroCento, octobre 2017. ↩
- L’Usine Nouvelle, 7 juin 2018. ↩