Explorer la mémoire historique, entraîner le lecteur dans une expédition qui traverse les siècles dans le but de tirer les leçons du passé, tel est l’art que maîtrise parfaitement l’ancien préfet Robert-Noël Castellani et dont il nous fait profiter dans son ouvrage “Vers l’apocalypse – Le syndrome de Tubalcaïn”.
Déjà dans un précédent ouvrage, “Le Testament politique de l’Antiquité” paru en 2001, il nous fait découvrir à partir de l’origine des sociétés humaines, des premières manifestations de la mémoire historique, la genèse du pouvoir au sein des peuples de l’Antiquité. Au terme de ce périple, il s’interroge : le moteur de l’histoire de l’Antiquité ne résiderait-il pas encore aujourd’hui, comme hier, dans une dialectique entre le “droit de conquête des uns” et “l’esprit de cité des autres ?”.
Dans son récent ouvrage “Vers l’apocalypse. Le syndrome de Tubalcaïn” Robert-Noël Castellani prolonge sa réflexion en recherchant comment, au cours de l’Histoire, “le Pouvoir a mis à profit toutes les ressources des diverses formes de gouvernement pour imposer partout, avec plus ou moins de subtilité, l’asservissement croissant de la population à travers les apparences démocratiques, les prétextes d’ingérence humanitaire, le concours d’idéologies de religions dévoyées”. A travers ce livre, l’auteur met en garde les citoyens et les hommes politiques contre une “ardeur guerrière”, alimentée toujours par les puissances financières et militaires “qui ont su le plus souvent domestiquer les régimes politiques en les promenant “volens nolens” sur les “sentiers de la guerre”. C’est ainsi que le président Eisenhower, en 1961, a dénoncé, “la conjonction du lobby industriel et du secteur de la défense qui tend à mobiliser et vampiriser toutes les formes de Pouvoir politique” : c’est bien là son “Syndrome de Tubalcaïn”. Tubalcaïn : ce forgeron mythique qui fabrique des armes de plus en plus terrifiantes par lesquelles “se perpètrent l’asservissement et la violence fratricide dans les larmes et le sang des peuples”.
Aujourd’hui, la géographie humaine de notre planète confirme le diagnostique d’Eisenhower constate Robert-Noël Castellani, rappelant également les propos de Georges Clémenceau rassemblés dans une série de conférences qu’il fit en Argentine en 1910. Parlant d’Europe il dit “L’Europe s’arme et les gouvernements ploient sous le fardeau des armements… sans être un pessimiste absolu, je ne puis m’empêcher de dire : quand on achète un fusil ce n’est certainement pas pour l’offrir comme un bouquet de fleurs…”. Au passage, il cite aussi une phrase d’Ernest Renan : “si le peuple n’est pas conduit par des philosophes, il est mené par des charlatans” et dénonce dans les gouvernements l’esprit de domination comme chez les gouvernés l’esprit de passivité… L’auteur évoque également la question que se posait Clémenceau : “Quel sera le rôle de la démocratie en face de la guerre, parviendra-t-elle à en diminuer la fréquence, à en atténuer les effets, à la supprimer totalement ? ou bien la guerre est-elle l’inéluctable fatalité ?”. Malheureusement, 1914-1918 devait donner la douloureuse réponse. Aujourd’hui, les risques d’une auto destruction de la planète sont bien réels ; “aucun peuple au monde ne voudrait d’une ultime confrontation armée dont les arsenaux nucléaires éparpillés dans le monde laissent imaginer l’apocalypse » insiste l’auteur. Le peuple n’aspire qu’au bien-être et au bonheur. L’Humanité saura-t-elle se donner les moyens de conjurer le “syndrôme de Tubalcaïn” ?
Robert-Noël Castellani expose dans cet ouvrage la quintessence de ses recherches historiques, de sa connaissance approfondie de la science politique et des philosophies sociétales, le tout enrichi par ses expériences professionnelles : ancien préfet, il a été successivement haut fonctionnaire à l’Organisation des Nations-unies pour l’alimentation et l’agriculture à Rome et président de l’Office français des Migrations internationales ; il s’est par ailleurs longtemps investi dans le développement économique des peuples d’outre-mer auprès de l’UNESCO.
Robert-Noël Castellani
Vers l’apocalypse – Le syndrome de Tubalcan
Editions les impliqués, 2014
270 p. – 27 €