Les élections de mi-mandat aux USA auront peut-être sonné le glas des ambitions présidentielles de Donald Trump, même s’il convient de rester prudent tant en politique rien n’est définitivement soldé et ce d’autant plus que l’ancien Président dispose encore d’une solide base sociologique.
Pour autant la vague rouge attendue ne fut pas au rendez-vous : le Sénat restera démocrate ; quant à la Chambre des représentants elle est acquise aux Républicains mais aucunement dans les proportions annoncées par les sondages. Il faut chercher ailleurs néanmoins la lecture de ce scrutin, en élargissant le scope de son interprétation à l’état des forces politiques à l’échelle des démocraties libérales. Après les élections au Brésil, et encore plus après les législatives italiennes et suédoises, la figure d’une grande opposition se répète entre « populaires » et « élitaires », une dichotomie sans doute moins tendancieuse que celle voulant opposer « populistes » et « progressistes » dans la mesure où cette dernière est d’abord le fruit de la conception des seconds qui ont préempté, un tantinet abusivement, le sens et l’histoire de la notion de « progrès ».
A la manière de la grande confrontation des guelfes et des gibelins au XIIe et XIIIe siècle, une vaste querelle s’installe en Occident, quoiqu’elle ne recouvre pas forcément par son contenu la dispute médiévale, bien que l’on puisse aussi sur ce plan là y trouver une forme de correspondance. A gros traits et rapportés à l’épure du vieux continent, les guelfes pencheraient du coté du souverainisme, partisans en leur temps d’une démocratie des cités quand les gibelins impériaux balanceraient en faveur d’une Union européenne à la « sauce » bruxelloise. Bien que son épicentre fut largement transalpin, l’affrontement n’en secoua pas moins alors l’ensemble de l’arc européen.
Ici et maintenant, l’Occident est traversé par une faille qui, scrutin après scrutin, témoigne d’une tension où alternent avancées et reculs des uns et des autres au gré de circonstances nécessairement évolutives, sans que l’un des partis ne soit à ce stade en mesure de l’emporter sur l’autre.
C’est à cette bipartition que nous sommes désormais exposés entre deux partis qui bien entendu selon chaque nation prennent des formes différentes, mais qui à proportion qu’ils se combattent ne cessent de voir le fossé qui les sépare s’accroître au risque, à terme, de rendre inconciliable jusqu’à leur cohabitation démocratique. Cette convulsion s’érige tous les jours un peu plus comme la nouvelle grande affaire de tout l’Occident politique.
Arnaud Benedetti Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne