Tel un ultimatum, Emmanuel Macron a donné 100 jours à sa Première ministre pour établir une feuille de route destinée à bâtir et apaiser le pays. Fragilisée par la séquence des retraites, Elisabeth Borne espère faire taire les critiques et les procès en incapacité « en entrant dans une nouvelle phase d’action », comme elle l’a annoncé à l’occasion de la présentation de son agenda législatif, ce mercredi 26 avril, à la suite du Conseil des ministres. Ainsi s’ouvre l’acte 2 de la locataire de Matignon. Mais aura-t-elle les moyens nécessaires ?
Déterminée à tourner la page des retraites, Elisabeth Borne souhaite pour les trois prochains mois, “accélérer la mise en œuvre des engagements du Président de la République”. Une pléthore de lois dans les différents chantiers évoqués par le chef de l’Etat devraient arriver au palais Bourbon dès la mi-mai.
Sur le volet travail, la loi France Travail arrive au début du mois de juin, destinée à accompagner davantage la reprise d’activité, les personnes les plus éloignées de l’emploi, comme les bénéficiaires du RSA. Côté réindustrialisation, le projet de loi « industrie verte », visant à accélérer le déploiement de France 2030 dans tous les territoires, sera examiné avant l’été. En matière d’écologie, le gouvernement laisse la main aux députés qui auront la lourde charge de débattre, à partir du 15 mai, sur la proposition de loi, déjà adoptée au Sénat, visant à renforcer la résilience des forêts face aux effets du dérèglement climatique. Même procédé dans le domaine de la santé où le Parlement devrait se pencher, en juin, sur la proposition de loi relative à la santé et aux territoires.
Pour la cheffe du gouvernement, “cette feuille de route répond directement aux inquiétudes et aux attentes des Français”. Sur la méthode, elle martèle sa volonté de bâtir des “majorités d’idées”. Une stratégie qui peut s’avérer gagnante sur les textes susmentionnés mais qui trouvera très vite ses limites sur des réformes clivantes – par exemple, sur celle de l’immigration.
Dans cette situation, Elisabeth Borne n’aura qu’un seul allié – si contesté et redouté par les concitoyens mais utilisé à foison depuis décembre par le gouvernement –, l’arme constitutionnelle de passage en force : le 49.3.
Consciente de cette situation, la Première ministre a préféré décaler ce projet en automne faute de “majorité dans chaque chambre, autour d’un texte nécessairement équilibré.” Pour masquer son échec politique, Elisabeth Borne renvoie la balle chez les Républicains dont elle dénonce “une absence de ligne commune sur le sujet”. Audacieuse. La Première ministre fait également référence au contexte social post réforme des retraites : “ce n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays.” Un argument pourtant rejeté lors de l’examen de la réforme des retraites où l’exécutif considérait qu’il n’y avait pas de bon moment pour réformer. Où est donc passée la cohérence ?
Une chose est sûre, la Première ministre souhaite des “résultats concrets, tangibles, visibles pour les Français.”
La politique est une question de symbole. Elisabeth Borne le sait.
Si elle souhaite garder son poste au-delà des 100 jours fixés par Emmanuel Macron, la chef du gouvernement devra très vite opérer sa mutation de technocrate à politicienne pour donner un véritable coup d’accélérateur à ce nouvel acte 2 à Matignon.
Carlyle Gbei
Journaliste politique
Photo : Victor Velter/Shutterstock.com