Dans sa présentation le ministre des Finances et des Comptes publics indique que le projet de loi de finances rectificative maintient les prévisions de croissance et de déficit inchangées. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, la prévision de 1 % pour l’année 2015 est acquise. La prévision de déficit des administrations publiques est inchangée, à 3,8 % du produit intérieur brut (PIB) – c’est-à-dire en deçà de la recommandation européenne à 4 % du PIB.
Les ministres soulignent que pour la première fois depuis 2009, la part des prélèvements obligatoires dans le PIB devrait baisser de 44,9 % à 44,6 % du PIB. C’est la maîtrise de la dépense publique qui permet ainsi de concilier baisse des déficits et baisse des prélèvements.
Le projet de loi de finances rectificative met en particulier en œuvre les économies nécessaires pour tenir l’objectif de dépense de l’État pour 2015. La loi de finances initiale pour 2015 fixait, pour le budget de l’État, un objectif de baisse de 4,5 milliards d’euros des dépenses, hors charge de la dette et pensions. En cours d’année, dans le cadre du plan d’économies complémentaires de 4 milliards d’euros présenté en avril 2015, en lien avec une inflation plus faible que prévu, cet objectif a été augmenté de 700 millions d’euros.
Des dépenses nouvelles consacrées aux politiques prioritaires ont été engagées en cours d’année, notamment pour assurer la sécurité des Français, et donner plus de moyens à la politique de l’emploi. 800 millions d’euros ont été financés par redéploiement au cours du premier semestre. Le projet de loi de finances rectificative prévoit un second ensemble d’économies complémentaires pour tenir la norme de dépense tout en finançant certains surcoûts, notamment en matière de prestations sociales et de dépenses opérationnelles du ministère de la Défense.
Le projet de loi de finances rectificative actualise également les prévisions de recettes de l’État. Après avoir été revues à la baisse de 1 milliard d’euros dans le programme de stabilité d’avril 2015, pour intégrer les effets de la moindre inflation, les prévisions de recettes ont été progressivement revues à la hausse, d’abord lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2016 en septembre, puis dans ce projet de loi de finances rectificative. Ces prévisions sont désormais très proches de celles de la loi de finances initiale pour 2015 (écart limité à 0,1 Md€). Elles sont prudentes et cohérentes avec les données de recouvrement à fin septembre, rendues publiques le 6 novembre dernier.
Avec des dépenses en réduction et des recettes en ligne avec la prévision, le déficit de l’État est revu à la baisse de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale, à 73,3 milliards d’euros.
Au total, compte tenu des économies réalisées pour tenir la norme de dépenses de l’État et de la bonne tenue des recettes, le projet de loi de finances rectificative conforte l’objectif de déficit public de 3,8 % du PIB en 2015.
Il comprend également un volet fiscal organisé en trois axes principaux.
En premier lieu, le projet de loi poursuit le développement de la fiscalité écologique. Sans modifier la trajectoire de la contribution climat énergie fixée pour 2016, il définit, dans un objectif de prévisibilité, le prix de la tonne de carbone pour l’année 2017. Le prix retenu, 30,5 euros, soit 8,5 euros de plus qu’en 2016, correspond à la trajectoire qui permettra d’atteindre l’objectif fixé par la loi de transition énergétique de 56 euros par tonne en 2020. Par ailleurs, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et les dépenses financées par ce prélèvement (8 milliards d’euros), notamment en faveur des énergies renouvelables, seront rebudgétisées en 2016, ce qui accroîtra la transparence du dispositif et renforcera le contrôle du Parlement.
En deuxième lieu, le projet de loi propose de sécuriser les dispositifs fiscaux incitatifs qui drainent l’épargne des particuliers vers l’investissement productif des petites et moyennes entreprises. Le dispositif dit “ISF-PME” est ainsi recentré sur les entreprises jeunes et innovantes.
En troisième lieu, comme le projet de loi de finances pour 2016, le projet de loi de finances rectificative comprend des mesures de simplification et de modernisation pour améliorer la lisibilité du paysage fiscal et sa prévisibilité. Ainsi, la taxe spéciale sur les véhicules routiers (TSVR) sera simplifiée en un régime unique de paiement. La déclaration et le paiement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) seront dématérialisés en 2017, et ceux des contributions indirectes en 2018. Les données cadastrales seront fusionnées avec celles de l’Institut géographique national, pour un meilleur service rendu. Un comité consultatif pour le crédit d’impôt recherche est créé. Il pourra être saisi par les entreprises à l’occasion des contrôles et leur permettra d’être entendues par un expert de la recherche et développement en cas de litige sur l’éligibilité d’une dépense. Le projet de loi poursuit donc l’effort de modernisation et de simplification du système fiscal.
Enfin, le projet de loi de finances rectificative réforme le dispositif des garanties publiques à l’export, dont la gestion sera transférée à une filiale de la Banque publique d’investissement (BPI) au cours de l’année 2016.
Rapporteur à l’Assemblée nationale : Mme Valérie Rabault (SRC, Tarn-et-Garonne) et rapporteurs pour avis M. Jean-Jacques Bridey (SRC, Val-de-Marne) et Mme Béatrice Santais (SRC, Savoie).
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 8 décembre 2015.
L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi de finances rectificative par 296 voix contre 246.
L’Assemblée nationale a rétabli les avantages fiscaux liés aux organismes de gestion agréés (OGA) dont la mission est de détecter et de prévenir les erreurs et les anomalies d’ordre fiscal et qui fournissent à leurs adhérents, de façon confidentielle et régulière, une assistance comptable et fiscale et une surveillance de la cohérence des déclarations fiscales. Mme Valérie Rabault a émis un avis défavorable, déclarant que “cela revient à rétablir les avantages que nous avions supprimés l’an dernier en suivant les réclamations de la Cour des comptes”.
Elle a adopté un amendement du gouvernement de mise en conformité au droit européen des règles fiscales relatives aux entreprises mères et leurs filiales en matière d’imposition des dividendes.
Elle a adopté un amendement relatif à l’exonération conditionnelle d’impôt sur le revenu des plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de titres de certains organismes de placement collectif monétaires (SICAV et FCP). Il s’agit d’un report d’imposition de la plus-value permettant d’obtenir une exonération définitive d’impôt sur le revenu à l’issue d’un délai de cinq ans à compter de la date du versement dans le plan.
Afin d’attirer les investissements vers les PME et de relancer le PEA PME, a été adopté un amendement qui prévoit une “exonération conditionnelle d’impôt sur le revenu” pour les épargnants qui décideraient de céder leurs parts de SICAV et de FCP monétaires, à la condition de les réinvestir dans des PEA PME. “Ainsi, plutôt que de conserver une épargne improductive, les contribuables seront incités à liquider leur portefeuilles pour le réinvestir dans l’épargne productive, mettant ainsi des fonds supplémentaires au service du financement des PME et ETI”, selon l’exposé des motifs. L’exonération exceptionnelle concerne les cessions réalisées entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2017.
L’Assemblée a modifié les dispositions de la réduction d’impôt accordée aux personnes physiques qui effectuent jusqu’au 31 décembre 2016 des versements au titre de la souscription, directe ou indirecte, en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de certaines sociétés non cotées. Dans la ligne des propositions du rapport d’information sur l’investissement productif de long terme de MM. Christophe Caresche et Olivier Carré, l’amendement adopté contre l’avis du gouvernement vise à “faciliter la sortie des investisseurs historiques en assouplissant les conditions dans lesquelles ils peuvent conserver leurs avantages fiscaux.”
L’Assemblée a modifié les dispositions du système des fonds européens d’investissement à long terme (ELTIF) permettant l’apport de financements de longue durée à des projets d’infrastructure, des sociétés non cotées ou à des PME cotées. L’amendement adopté tend à permettre à certaines catégories de fonds d’investissement d’utiliser les modalités du prêt aux entreprises ouvertes par le règlement ELTIF. Il permet aussi de rendre éligible au PEA PME les parts de fonds ELTIF investies pour au moins 50 % en titres donnant accès au capital de sociétés cotées ou non cotées.
L’Assemblée a adopté un amendement permettant aux particuliers prêtant à des entreprises via des plateformes de crowdlending d’imputer la perte en capital subie en cas de non remboursement du prêt, dans le calcul de l’impôt sur le revenu. “Il peut arriver que des sociétés se retrouvent dans l’impossibilité de rembourser les prêts octroyés” au moyen du financement participatif, il sera possible de pouvoir imputer ces pertes comme si c’étaient des moins-values sur des titres, a précisé M. Christian Eckert. “La déduction sera admise, pour le montant effectivement supporté par le contribuable, du montant imposable des intérêts afférents aux autres prêts consentis dans les mêmes conditions”.
L’Assemblée a aussi adopté une mesure d’amortissement, sur une période de vingt-quatre mois, des équipements de fabrication additive ou imprimantes tridimensionnelles (3D).
Elle a adopté un amendement d’abrogation des dispositions relatives à l’imposition forfaitaire de certains contribuables domiciliés fiscalement hors de France ayant en France plusieurs habitations, en conformité avec le droit européen.
Elle a adopté un amendement visant à rendre plus attractif le nouveau prix French Tech Ticket, annoncé par le président de la République au Conseil supérieur de l’attractivité. Le prix décerné aux lauréats du French Tech Ticket sera exonéré d’impôt sur le revenu et de cotisations et de contributions sociales.
Elle a adopté un amendement permettant aux collectivités territoriales de bénéficier d’attributions au titre du FCTVA à compter de 2015 et un autre tendant à faciliter l’exercice par les préfets de leur mission de traitement des demandes par les collectivités locales du bénéfice du FCTVA afin d’éviter que les collectivités assujetties à la TVA perçoivent à tort des remboursements du FCTVA.
Elle a pérennisé, à compter de 2015, le mécanisme de garantie de perte de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) introduit par la loi de finances pour 2015 pour les départements qui enregistrent une baisse annuelle de leur CVAE de plus de 5 %.
Elle a modifié le système de majoration de la valeur locative des terrains constructibles pour le calcul de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Plusieurs mesures visent à corriger les effets parfois excessifs de cette majoration tout en préservant son efficacité.
Elle a permis aux collectivités locales de mettre un terme à l’exonération de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) applicable aux établissements ouverts avant 1960 dans les zones touristiques internationales et, d’autre part, de taxer chaque exploitant en cours d’année à hauteur de sa durée d’exploitation au cours de l’année en cause.
Rapporteur au Sénat : M. Albéric de Montgolfier (LR, Eure-et-Loir) et rapporteur pour avis M. Jean-Claude Lenoir (LR, Orne).
Adoption en première lecture par le Sénat le 11 décembre 2015.
Le Sénat a supprimé les modulations de tarif de l’essence, du gazole et du GPL pour l’année 2017. Il a diminué, d’un centime d’euro par litre le tarif de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable aux essences, hors supercarburant SP-95-E 10, en 2016 et baissé de 1,27 euro par 100 kilogrammes le tarif de TICPE applicable au gaz de pétrole liquéfié (GPL) utilisé comme carburant en 2016, afin de préserver l’écart de fiscalité entre ce carburant et l’essence.
Il a souhaité préserver l’écart de fiscalité entre l’essence et le gaz naturel véhicule (GNV). Il a supprimé l’instauration de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les véhicules à essence, sur le modèle des véhicules diesel, afin de ne pas déstabiliser le marché du diesel rendu fragile.
En ce qui concerne la mise en conformité du dispositif “ISF-PME” avec les règles européennes d’encadrement des aides d’État en faveur du financement des risques, le Sénat a exclu certaines activités de ce dispositif et plafonné les frais facturés par les intermédiaires.
Il a supprimé l’obligation pour les entreprises réalisant plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires à publier en ligne les informations relatives à leur chiffre d’affaires, leur bénéfice, les impôts qu’elles paient et les subventions qu’elles reçoivent, pays par pays (reporting pays par pays public).
Il a supprimé l’application rétroactive d’un taux spécifique de TVA à 2,1 % à la presse en ligne à compter du 12 juin 2009 afin d’apurer la situation des éditeurs ayant appliqué ce taux entre 2009 et 2014 et faisant, actuellement, l’objet d’un redressement.
Il a étendu l’exonération des dons à ceux reçus par un militaire, un policier, un gendarme, un pompier ou un douanier blessé dans l’accomplissement de sa mission.
Commission mixte paritaire
Échec de la commission mixte paritaire réunie le 14 décembre 2015.
Le désaccord fondamental ayant conduit à l’échec de la commission mixte paritaire concernait la réforme de la fiscalité écologique. D’autres divergences concernaient la réduction d’impôt dite ISF-PME
Adoption en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 15 décembre 2015.
Rejet en nouvelle lecture par le Sénat le 16 décembre 2015.
Adoption en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015.
M. Christian Eckert s’est interrogé sur le décalage chronologique de l’effet des mesures budgétaires adoptées : “Nous votons aujourd’hui, à la fin du mois de décembre, des textes qui ont été élaborés au mois d’août, et dont, d’ailleurs, nos concitoyens ne vont percevoir les effets, faute de retenue à la source, qu’au mois de septembre prochain.” Il s’est aussi interrogé sur la lisibilité par les citoyens des mesures issues des allers-retours entre les deux assemblées : “Que peuvent-ils comprendre s’ils lisent, à huit jours d’intervalle, que les députés ont adopté une disposition, que l’Assemblée nationale ne l’a pas adoptée et que la commission des finances du Sénat l’a modifiée ? Il y a là un vrai problème de communication entre le législateur et nos concitoyens. Je ne dénie à personne le droit de discussion mais […] il m’arrive de combattre huit fois le même amendement ! En première lecture (à l’Assemblée nationale), en première lecture au Sénat, puis en deuxième lecture, et ainsi de suite.”
Jean Lalloy, chroniqueur