À la suite des attentats ayant frappé Paris le 13 novembre 2015, l’état d’urgence sur le territoire métropolitain a été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 relatif à la proclamation de l’état d’urgence à compter du 14 novembre à zéro heure.
La gravité des attentats, leur caractère simultané et la permanence de la menace ont ensuite justifié la prolongation de l’état d’urgence pour une durée de trois mois par la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015.
Le Gouvernement considère que cette menace terroriste caractérisant le péril imminent, qui a justifié la déclaration initiale et la prorogation de l’état d’urgence, demeure à un niveau très alarmant. Ainsi selon les informations fournies par le ministère de l’Intérieur, au début 2016, environ 600 Français étaient présents en zone irako-syrienne, susceptibles de revenir sur le territoire national pour y perpétrer des actions violentes commanditées par Daesh. Pour la seule année 2015, 329 nouvelles arrivées sur zone en provenance de notre territoire ont été enregistrées. Le nombre de personnes velléitaires n’ayant pas encore mis leur projet à exécution est passé de 295 fin 2014 à 723 fin 2015. De même, de nombreux candidats à la lutte armée, empêchés de quitter le territoire national pour des raisons administratives ou matérielles, sont susceptibles de passer à l’acte, de manière isolée ou organisée depuis la Syrie.
Dans les messages qu’elle a diffusés sur internet après les attentats de Paris, l’organisation terroriste Daesh a réitéré ses appels à l’action terroriste violente et meurtrière contre la France, en ciblant divers services publics, en plus de la multiplicité des objectifs potentiels dans différents secteurs de la vie sociale déjà cités dans ses communications incitant ses partisans à l’action violente au moyen d’armes ou d’explosifs.
Le caractère diffus de la menace et les circonstances soudaines et très violentes du passage à l’acte sont sans précédent ni commune mesure avec les situations antérieures ayant justifié la mise en œuvre de l’état d’urgence.
Depuis le 14 novembre 2015, selon les informations fournies par le Gouvernement, l’application de l’état d’urgence a donné lieu à 3 289 perquisitions administratives, lesquelles ont permis d’établir des infractions en lien direct avec le terrorisme (5 procédures de terrorisme, 23 procédures d’apologie ou provocation au terrorisme, sans préjudice des suites d’enquête ou des résultats à venir de l’exploitation en cours de supports de documentation), à la suite desquelles 386 personnes ont été interpellées.
571 procédures judiciaires sont en cours, 210 du chef d’infraction à la législation sur les armes et 202 du chef d’infraction à la législation sur les stupéfiants. Ces procédures se sont traduites immédiatement par 341 gardes à vue et 54 incarcérations décidées par l’autorité judiciaire, sans préjudice des suites des enquêtes en cours.
560 armes ont été saisies, dont 160 armes de poing et 42 armes de guerre ; par comparaison, l’ensemble de l’année 2014 a donné lieu à la saisie de 461 armes de poing et 126 armes de guerre par la police judiciaire. Sur les dix premiers mois de l’année 2015, 838 armes de poing et 155 armes de guerre avaient été saisies.
12 lieux de culte, parmi les plus radicalisés ont été fermés.
407 personnes ont été assignées à résidence, 303 mesures d’assignation étant toujours en vigueur.
L’état d’urgence désorganise les filières qui soutiennent et financent le terrorisme, en donnant aux services les moyens d’attaquer plus efficacement les réseaux criminels et d’économie souterraine qui alimentent le terrorisme. Cela concerne autant les trafics d’armes que ceux de stupéfiants. Par rapport au mois de novembre 2014, novembre 2015 marque une progression de 316 % des saisies d’armes de poing et de 766 % des saisies d’armes de guerre. De la même manière, s’agissant des stupéfiants, les saisies de cannabis, par rapport à novembre 2014, ont augmenté de 244 % en novembre 2015 et les saisies d’héroïne, de 227 %. Les saisies d’espèces (plus d’un million d’euros à la mi-décembre 2015) permettent en outre d’ouvrir des enquêtes administratives de nature financière ou fiscale.
Les mesures de l’état d’urgence permettent par ailleurs de dessiner les profils des individus radicalisés et les formes de la menace.
La mise en œuvre des mesures de police administrative de l’état d’urgence a permis de dresser une liste d’objectifs prioritaires fondée notamment sur les fratries et les déplacements à l’étranger et de cibler les locaux associatifs et commerciaux pouvant abriter des activités illicites ou liées à la radicalisation.
Le Gouvernement considère que le travail n’est pas achevé, car selon le ministre de l’Intérieur les renseignements recueillis depuis les derniers mois établissent également les contours de structures, constituées au sein de l’organisation Daesh, dont la mission première est de projeter des individus ou des groupes opérationnels en Europe et particulièrement en France. La stratégie de « l’action oblique », consistant à organiser une action à partir du territoire d’un pays voisin, impose aux forces de sécurité de faire preuve d’une vigilence particulière. Les organisations terroristes Al-Mourabitoune et Al-Qaïda au Maghreb islamique ont revendiqué conjointement les attentats commis à Ouagadougou le 15 janvier 2016. La crise migratoire, mise à profit par l’organisation, accroît la difficulté à laquelle sont confrontés les services de renseignement, plusieurs milliers de migrants pénétrant quotidiennement dans l’espace Schengen avant de traverser plusieurs frontières et de s’éparpiller dans plusieurs États.
C’est pourquoi la prolongation de l’état d’urgence est une nouvelle fois proposée au Parlement pour une durée de trois mois.
La prorogation de l’état d’urgence vise à permettre à l’autorité administrative de continuer à assurer la sécurité du territoire par un contrôle et des mesures appropriées à l’encontre des personnes à l’égard desquelles il existe des raisons sérieuses de penser qu’elles constituent une menace pour la sécurité et l’ordre publics, en continuant d’exploiter les renseignements en sa possession et en mettant cette période à profit pour déterminer les mesures administratives appropriées à la situation de chaque individu.
Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’ensemble des mesures d’assignation à résidence fera l’objet d’un réexamen à l’occasion de cette prorogation, et le nombre des nouvelles décisions qu’il sera proportionné et justifié de prendre, au regard des mesures restrictives de libertés déjà appliquées au cours de la première prorogation, sera réduit.
Il appartient au juge administratif, saisi de la légalité des décisions ainsi prononcées, d’apprécier l’existence de raisons sérieuses permettant de les fonder. Un tel contrôle de la nécessité et de la proportionnalité des mesures a été effectué, le plus souvent dans un délai de 48 heures, dans le cadre du référé-liberté. Ainsi, le juge a été saisi de près de 170 requêtes, dont une centaine en référé, certains requérants ayant même formé plusieurs recours successifs contre la mesure les concernant. Dix mesures ont été suspendues et une annulée, le ministre de l’Intérieur ayant, pour sa part, abrogé 32 décisions en prenant en compte les arguments figurant dans les requêtes ou recours administratifs, lorsque ceux-ci pouvaient raisonnablement infirmer les raisons sérieuses ayant justifié la mesure initiale.
En application de la loi du 20 novembre 2015 un contrôle parlementaire est exercé par les présidents des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Gouvernement fournissant l’ensemble des informations, collectives ou individuelles, relatives aux mesures décidées par l’autorité administrative. Les commissions entendent, à leur initiative, les responsables des services centraux et territoriaux concernés et effectuent des contrôles sur pièce et sur place.
Première lecture au Sénat
Rapporteur au Sénat : M. Michel Mercier (UDI, Rhône).
Adoption en première lecture par le Sénat le 9 février 2016.
Le projet de loi a été adopté par 315 voix contre 28.
144 sénateurs LR ont voté pour, Mme Marie-Annick Duchêne (Yvelines) s’étant abstenue. 110 sénateurs socialistes ont voté pour ainsi que 42 membres du groupe UDI-UC. 3 sénateurs du groupe écologiste ont voté pour, Mme Aline Archimbaud (Seine-Saint-Denis), MM. Joël Labbé (Morbihan) et M. Jean-Vincent Placé (Essonne), 6 ont voté contre et une s’est abstenue. 15 sénateurs RDSE ont voté pour et 2 contre. Les sénateurs communistes ont voté contre. M. David Rachline, non inscrit (Front national) a voté contre.
Première lecture à l’Assemblée nationale
Rapporteur à l’Assemblée nationale : M. Pascal Popelin (SRC, Seine-Saint-Denis).
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 16 février 2016 par 212 voix pour contre 31 et 3 abstentions.
A l’instar de M. Pouria Amirshahi (Français établis hors de France), Mme Barbara Romagnan (Doubs) et M. Gérard Sebaoun (Val-d’Oise), déjà opposés à la précédente prolongation de l’état d’urgence, 11 députés SRC au total ont voté contre alors que 108 ont voté pour ; 2 se sont abstenus. 8 députés Écologistes ont voté contre, 2 pour MM. Christophe Cavard (Gard) et François de Rugy (Loire-Atlantique), et un s’est abstenu.9 députés GDR ont voté contre et un, M. Marc Dolez (Nord), pour. 90 députés LR ont voté pour et un contre. 9 députés UDI ont voté pour.
Jean Lalloy
Chroniqueur