Le professeur d’université, Paul Dobrescu, souligne les particularités de cette mondialisation née au croisement de deux forces : la population et la technologie, et analyse la manière dont elle agit sur les rapports entre les puissances mondiales.
Qui a ouvert la voie à la mondialisation et qui en tire profit à présent ? “La mondialisation n’a longtemps été qu’un autre nom de l’américanisme”. Cette perception était justifiée à plusieurs égards. Ce qui au début n’était qu’un phénomène associé aux intérêts des plus forts, a jeté les bases de la modernisation de plusieurs pays en développement. La Chine, l’Inde, le Brésil doivent leur émergence spectaculaire à la mondialisation. A ce contexte, il faut ajouter leur superficie, qui influencera d’une manière ou d’une autre le nouvel âge de la géopolitique dans lequel nous entrons.
L’hypothèse première de cet ouvrage est que l’émergence massive de certains grands Etats et la redistribution du pouvoir sur le plan mondial ne peuvent être comprises que si l’on se rapporte au nouveau contexte contemporain de développement. On a affaire à de grands pays, dominés par des acteurs importants, qui veulent promouvoir leurs propres intérêts. Ils héritent tous une culture éclatante. Comment s’harmoniseront tous ces aspects au sein des décisions majeures qui affecteront le monde d’aujourd’hui et de demain ?
Ces derniers temps l’évolution de la mondialisation exige le réalisme et invite à prendre du recul par rapport à la dimension utopique du début. “On peut identifier là une sorte de ruse, ou du moins d’ironie”. Ce qui semble incontestable, c’est que, dans la politique internationale, les contraintes naturelles s’imposent de plus en plus et englobent tous les aspects, de la protection de l’environnement à la préservation des ressources. Paul Dobrescu retient essentiellement deux de ces contraintes qui lui semblent décisives dans les relations internationales à savoir la pression énergétique et le facteur démographique.
Il aborde la question énergétique en analysant les conséquences géopolitiques de la situation actuelle, mettant en évidence la place centrale de la sécurité énergétique dans la stratégie de développement et de sécurité des Etats. Ce qui l’amène à examiner la transition vers une économie basée sur une énergie verte à faible consommation de carbone, et à reconnaître la complexité de ce processus qui s’inscrit dans la durée. Cette transition “ne ressemble aucunement à une course où la place de l’ancienne technologie serait prise progressivement – et on espère le plus vite possible ! – par une technologie nouvelle. La dimension technologique est très importante, mais elle s’inscrit dans un processus plus large, qui comporte aussi des composantes économiques, psychologiques et de gestion. Si tous ces éléments ne travaillent pas ensemble le succès ne peut pas advenir » écrit-il, ajoutant plus loin “Les réponses doivent être élaborées loin de la pression de l’intérêt immédiat et de l’influence des idéologies de toutes sortes”.
Quant à la contrainte démographique, elle est un facteur déterminant et l’emporte sur la géographie ce qui conduit l’auteur à mettre l’accent sur une notion intéressante qu’il appelle la “consistance géopolitique d’un territoire », c’est-à-dire le degré “d’occupation » d’un territoire sur le plan démographique, économique et culturel. “La consistance géopolitique, estime-t-il, est un phénomène complexe qui réunit bien des éléments et engendre bien des interactions. Mais son axe reste la population”. A partir de cette notion, Paul Dobrescu donne l’exemple de l’expansion du Mexique vers l’intérieur des Etats-Unis “le flux démographique entre le Mexique et les Etats-Unis présente des similitudes avec le phénomène de migration du monde musulman vers l’Europe, au sens où l’on a affaire au même aimant économique et social […] une composante démographique intervient également. Le Mexique a un taux de fécondité nettement supérieur à celui des Etats-Unis, ce qui engendre une importante pression démographique”.
L’analyse poussée et nuancée de Paul Dobrescu débouche sur de nouvelles stratégies de développement exigeant la connaissance, la prévoyance et la maîtrise du processus de mondialisation.
Paul Dobrescu (traduit du roumain par Denisa-Adriana Oprea)
La ruse de la mondialisation. L’assaut contre la puissance américaine
Editions l’Harmatta, 2015
360 p. – 37 €