C’est de la nuit que naît la lumière du matin et, quand elle perce les ténèbres, revient l’espoir. Et pourtant il y a des périodes dans tout parcours humain où le doute et la sensation que le combat est perdu l’emportent sur la raison. La France est une idée et chacun s’en fait la sienne mais ce qui ressort à jamais de l’appel du 18 juin 1940 c’est qu’elle est éternelle…
Ce qui a réuni autour du Général de Gaulle à Londres des êtres aussi différents et de tous les milieux, des pêcheurs de l’île de Sein à des militaires abasourdis par une défaite écrasante dans un pays effondré, désemparé, livré à un ennemi implacable, miné par ses dissensions, en passant par des représentants de toutes les sphères de la société française de la fin des années trente, relève du surnaturel, cette petite flamme que rien ne peut éteindre, qui transcende les misères, faiblesses, failles et imperfections des régimes politiques à travers les siècles, celle de la conscience de la victoire de la lumière sur la nuit de toute éternité.
Le Connétable, ainsi l’avait surnommé Sir Winston Churchill, en prononçant son appel, ouvrait à la France une perspective de résurrection comme il s’en présente peu dans la destinée des nations, en ce début d’apocalypse que fut la Seconde guerre mondiale.
Quelque part, rien de vraiment surprenant quand, avec le recul du temps, on a pu mesurer de quel bois ce très haut personnage nourri au sein de l’histoire du « cher et vieux pays » était bâti : celui du chêne des charpentes de nos cathédrales et des vaisseaux de la Royale, tous ces arbres abattus de main d’homme pour des desseins de grande amplitude qui renaissent, génération après génération, au cœur des forêts de France…
Des moments de doute et de découragement, de Mers El Kebir à la rade de Dakar, le Général de Gaulle en a connu de nombreux et sa lutte et les combats de celles et ceux qui ont répondu à son appel ont été jalonnés des pires épreuves et adversités.
Mais cette force de l’espérance et la haute idée qu’il se faisait de son pays et de la place qu’il lui souhaitait dans le concert des nations – la grandeur- lui ont donné la ténacité nécessaire pour garder le cap dans la plus terrible des tempêtes affrontées par le Royaume hexagonal, cela jusqu’à la libération du « cher et vieux pays », sans jamais dévier ni tergiverser avec les principes de justice et de vraie démocratie qui le guidaient.
C’est pour tout cela et au delà que le Général de Gaulle s’inscrit dans la lignée de ceux qui dans la chaîne des temps dépassent de loin leurs contemporains et constituent des points d’ancrage uniques et difficilement égalables.
Le 18 juin 1940, le Connétable entrait dans l’histoire tout court pour y incarner une certaine idée de la France dans le but de briser le joug de l’occupant et restaurer son honneur, sa grandeur et son unité. Son héritage est immense et nous oblige : on peut porter un regard critique ou être en désaccord avec certains des aspects de sa politique – notamment dans le débat autour de la question algérienne-, force est de constater que sa vision a rarement été prise en défaut dans les domaines les plus divers et que les faits lui ont le plus souvent donné raison dans le long terme.
Que reste-t-il de son idéal dans le délitement de 2023, un environnement d’insécurité, de violence, d’insincérité de la parole publique, de dévoiement des institutions et de confiscation de l’interprétation de notre Constitution au profit d’intérêts discutables et contraires à l’opinion générale ? La France souffre de ses intenses divisions, d’une majorité relative et de l’absence pour l’heure de majorité alternative, fruit délétère d’une victoire à la Pyrrhus, par défaut en avril 2022… Un exécutif à la merci de motions de censure – pas moins de 17 sur la durée d’une année ! -, desservi par des ministres souvent controversés et peu à la hauteur des enjeux et une macronie médiocre de plus en plus impopulaire, louvoie à la tête de territoires clivés dangereusement où a disparu la cohésion élémentaire d’une société abreuvée de faux-semblants et de promesses jamais tenues, livrée au déni de la sombre réalité du moment…
Annecy marque un tournant dans ce que l’on peut encore endurer en terme de résilience dans le naufrage français mais dans l’attitude héroïque de rejet de l’innommable, ce sursaut instinctif d’Henri d’Anselme, un jeune homme de 24 ans, il y a comme un écho de ce qu’ont pu ressentir le 18 juin 1940 celles et ceux qui ont eu la chance d’entendre l’appel lancé sur les ondes de la BBC par un Français animé par la force de l’espérance…
En 2027, il y aura fatalement et heureusement une alternance et la page sera tournée bien au delà des rumeurs de remaniement qui agitent aujourd’hui notre « cher et vieux pays », de manière dérisoire car comment croire au changement et au rebond en rebattant des cartes usées au bout de laborieux cent jours dont on ne sait quel bilan tirer ?
En attendant, il faut garder à l’esprit la petite flamme de ce lointain 18 juin 1940 que rien ne saurait éteindre car elle vient du plus profond de cette idée de la France qui habite la grande majorité de celles et ceux qui la respectent et croient en sa pérennité, fidèles à la voie ouverte sur l’espérance par le Connétable…
Eric Cerf-Mayer