L’élection présidentielle de 20221 est inédite. C’est la première fois, depuis que le suffrage universel direct a été instauré et appliqué en 1965, que les questions internationales sont placées au cœur du débat public. La guerre en Ukraine a envahi depuis le 24 Février dernier l’espace public national et au-delà, international. L’actualité internationale, marquée par la guerre et les tensions qui renvoient en partie à l’époque, révolue, de la guerre froide, porte les bases d’un débat sur une certaine idée de la France, autant dans ses frontières intérieures qu’à l’extérieur. La question de l’indépendance de l’Europe est posée, autant dans sa réalité économique que politique et de défense.
Mais sans doute est-ce la première fois depuis le début de la Vème République qu’elle contient une charge faisant appel à la conscience humaine, le conflit étant aussi celui des images, qui choquent d’autant plus que cette guerre se déroule sur le sol européen. Le débat peut être saisi dans une dimension manichéenne, tant le sujet est absolu : paix ou guerre, puissance ou soumission, peu de place à laisser à la demi-mesure. 2022 voit se dérouler une campagne présidentielle dont les sujets internationaux et nationaux s’entremêlent, fixant l’électorat sur une partie du spectre politique. Ce sont des visions du monde qui s’affrontent, tandis que la guerre aux portes de l’Union européenne laisse apparaître une nouvelle logique de blocs, à l’instar de l’époque du rapport est-ouest. Accélérateur de prise de conscience, cette tragique actualité alimentée au quotidien par son cortège d’images, toutes plus violentes les unes que les autres, renvoie à une certaine idée du monde et à la place que pourrait y tenir la France.
L’Amérique latine y tient une position à part pour les forces politiques nationales françaises. Cette réalité tient sans doute au sentiment d’une proximité, d’une entente intellectuelle, d’un partenariat naturel mais à construire, peut-être à réinventer. Le continent latino-américain est identifié par les responsables politiques. Il contient tous les « ingrédients » qui permettent à chacun d’en faire un terrain d’expérimentation politique, comme c’est le cas pour Jean-Luc Mélenchon et « La France insoumise » ou Anne Hidalgo et le « Parti socialiste », sinon une forme de prolongement lointain, d’une ambition française à retrouver, à l’instar de Valérie Pécresse pour « les Républicains », Eric Zemmour et « Reconquête » ou Marine Le Pen avec le « Rassemblement national », et à inventer dans une démarche innovante au service d’une alliance européenne pour le candidat Emmanuel Macron.
Il se dégage de l’élection présidentielle de 2022 une perception contradictoire et pourtant tellement révélatrice de la réalité d’une relation souvent idéalisée, parfois rêvée mais toujours inachevée.
La sympathie spontanée qui relie la France à l’Amérique latine ne parvient pas à saisir cet ensemble de 19.2 millions de km2 auxquels se rajoutent les 2.754 millions de km2 des Caraïbes, dans une diversité incarnée par une composition de 33 pays. Autant de réalités nationales qui constituent des atouts et des inconvénients dans une perception politique française qui porte, pourtant, tous les éléments d’une action globale : économie, culture, langue, défense, somme toute autant d’aspects pouvant œuvrer en faveur d’une nouvelle influence française. Il ressort des positions des mouvements politiques nationaux français, que l’Amérique latine garde l’image d’un continent aux potentiels évidents.
Et pourtant, les souhaits de liens renforcés restent malgré tout à la marge d’une politique où, de plus en plus, l’influence se joue sur les terrains technologiques, énergétiques, d’intelligence artificielle tandis que les défis globaux se déclinent de plus en plus à travers les défis du changement climatique. Des thèmes qui pourraient, paradoxalement, placer l’Amérique latine au cœur d’un projet de politique étrangère française.
1. L’Amérique latine : Quelle place historique dans le débat national français ?
L’élection de 2022 s’inscrit dans un schéma international marqué par de fortes tensions alimentées par l’attaque générale russe de l’Ukraine, le 24 Février dernier. De facto, les questions de défense et de politique étrangère sont entrées de plein pied dans une campagne inédite et dont chacun pressent le caractère historique, pouvant changer le cours des choses. Un nouveau rideau de fer est-il en train de s’édifier aux portes de l’Union européenne, renforçant la mise sur pied d’une nouvelle logique de blocs dans un monde rendu plus incertain ?
Cette dimension rend l’élection de 2022 inédite, mais ce n’est pas la première fois pour autant qu’une actualité internationale s’est immiscée dans le débat national.
Comment ne pas se rappeler de l’environnement international dans lequel s’inscrivait l’arrivée du Général de Gaulle à la tête du Gouvernement, le 1er Juin 1958, suivi du référendum constitutionnel du 28 Septembre validant la mise en place des nouvelles institutions de la Vème République2? Elles referment les années de la IVème République, englouties et emportées par les jeux partisans d’une part et la crise algérienne après de nombreux revers sur le front extérieur : de Dien Bien Phu en 1954 au Canal de Suez en 1956, de l’échec de la Communauté européenne de défense en 19543 aux processus de décolonisation engagés et annonçant une nouvelle bascule du monde, autant de faits majeurs qui ont pu traumatiser une France sortie affaiblie de la Seconde guerre mondiale.
Les élections de 19654, trois ans après l’indépendance de l’Algérie et l’attentat du Petit Clamart du 22 Août 19625 conduisant le Président de Gaulle à proposer l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct, 1974 et le choc pétrolier de 1973, 1981 et les soubresauts de la guerre Est-Ouest, 1988 marqué par l’affaire des otages du Liban6 et une crise majeure avec l’Iran révélée pendant le débat entre François Mitterrand et Jacques Chirac, 1995 et la guerre dans les Balkans7, 2002 et la question de la solidarité internationale abordée à Monterrey en présence du Président-candidat Jacques Chirac, 2007 et le débat sur l’atlantisme, 2012 et la montée en puissance de la pression islamiste, un an après les printemps arabes, 2017 et la confirmation du danger intégriste annonçant une redéfinition des postures de défense sur le front extérieur, notamment au Moyen-orient et en Afrique.
L’international a toujours occupé une place dans le débat public, mais jamais avec la force vécue en 2022 qui porte les germes d’une menace globale, à la fois technique et de conscience.
Les tensions actuelles obligent à penser la place de la France dans le monde en termes d’influence et donc de puissance. Elle conduit à l’analyse par thèmes précis, mais également à travers la dimension géographique. Alors que la question de l’indépendance de la France et de l’Europe est posée par les évènements ukrainiens, avec en arrière fond les interrogations sur la défense et la question du nucléaire, la relation avec l’Amérique latine est saisie dans une démarche apaisée.
Première constatation, le continent latino-américain est identifié des principales forces politiques nationales, dans leur approche de politique étrangère. Certes, il est saisi comme un tout, alors que la diversité fait partie de son identité. Mais il est positionné à la fois dans une démarche intellectuelle comme dans sa réalité géographique. Parfois idéalisé, saisi dans une dimension historique, il ne laisse personne indifférent. Et pour cause : la France a été à la fois un acteur, un soutien, un belligérant, dans le cadre du processus d’émergence des indépendances dès le XIXème siècle : Haïti, indépendante en 1804 et donnant naissance à la 1ère République noire, explique le capital de sympathie dans l’imaginaire français8.
Le code civil ou « code napoléonien » promulgué en 18049, a inspiré le cadre juridique latino-américain au fur et à mesure que les indépendances étaient acquises. Au Mexique, l’expédition française conduite sous Napoléon III10, la fameuse Bataille de Camerone et l’héroïsme ultime des 65 légionnaires, sont devenus un élément d’une relation d’amitié faite de respect, d’admiration partagés, avec des pointes de fierté nationale donnant une densité inédite à une relation dont le caractère a toujours compté sur le continent : du fameux « mano en la mano » du Général de Gaulle en Mars 196211à la déclaration franco-mexicaine d’Octobre 198112reconnaissant la légitimité des mouvements de guérillas centraméricains, jamais l’indifférence n’a existé avec cette partie de l’Amérique latine.
Les combats idéologiques des années 1960-1980 dans le rapport Est-Ouest, engageant une grande partie des forces de gauche françaises aux côtés des opposants des régimes autoritaires ou dictatoriaux d’alors, l’accueil à Paris tout au long du XXème siècle, des écrivains et artistes qui ont contribué à la légende du continent, autant de faits qui ont permis à la représentation de l’Amérique latine de pénétrer le tissu social et psychologique de la France.
Ce terreau s’est accompagné d’une projection du concept de puissance sous la Présidence du Général de Gaulle, qui n’avait pas oublié que l’Amérique latine avait été le continent comptant le plus de comités de la France Libre pendant la Seconde guerre mondiale.
Le Général savait pouvoir compter sur le continent, conciliant à la fois la projection de la force et de l’ordre, mais également de celui qui s’était battu pour la défense des valeurs de Liberté. Cette alliance convenait parfaitement à la diversité d’un continent qui fût le réceptacle d’un voyage présidentiel français totalement inédit et entré dans les mémoires collectives. Après un prélude mexicain du 16 au 19 Mars 1964, le Président français se rendait, du 21 Septembre au 16 Octobre 1964, respectivement au Brésil, en Uruguay, au Paraguay, en Argentine, au Chili, en Bolivie, au Pérou, en Equateur, en Colombie et au Vénézuéla. Ce voyage présidentiel allait réveiller une ferveur contradictoire, rassemblant les antagonismes locaux dans une forme d’hymne à l’idéal de l’indépendance et de la Liberté. L’admiration mêlée d’espoir ne pouvait qu’être teintée de déception au fil des années, tant la géographie et la distance conditionnent cette relation.
L’Amérique latine est perçue comme un continent ami, avec qui les liens doivent être naturellement renforcés. Les bases du partenariat sont acquises : elles portent sur la francophonie, avec le déploiement de tous les instruments français de présence linguistique, éducative, culturelle et scientifique, des lycées français au réseau des Alliances françaises, des instituts de recherche tel l’Institut français d’Amérique latine au réseau diplomatique. Les échanges universitaires participent de cette idée d’une influence acquise par une offre éducative. La géographie constitue un second point d’ancrage : de la Guyane aux Antilles13, la France aime à rappeler qu’elle est terre latino-américaine.
Sa première frontière avec un pays étranger est avec le Brésil sur 730 kilomètres. Cette réalité permet à la France d’être membre observateur, associé ou de plein droit des organismes de coopération régionaux.
Avec le déploiement de l’Union européenne dès les années 1970 et surtout à partir des années 1980, la France a su compléter sa présence : 1er contributeur au développement dans le cadre de l’aide européenne en Amérique centrale, la France est de tous les accords qui ont lié l’Union européenne au continent depuis 30 ans. L’aide au développement, le soutien aux processus démocratiques, accords-cadres économiques, autant de leviers contribuant à rendre familière la relation entre les deux ensembles.
2. L’Amérique latine dans les programmes des forces politiques nationales en 2022
Chacun saisit le continent latino-américain à l’aune de ses convictions et à son rapport au pouvoir en place.
Le besoin de reconstruire une relation à la hauteur des enjeux, dans un environnement international tendu, se décline sous différents angles en fonction des moments et combats d’idées : la biodiversité, la lutte contre les inégalités sociales, le souvenir des combats contre les dictatures sont avant tout portés par les forces politiques de gauche. Le parti socialiste, le mouvement écologiste, la France insoumise, le parti communiste, ont en mémoire le socle des luttes idéologiques qui marquaient les années 1960 et 1970. « Quand on est socialiste, on a une partie de son cœur en Amérique latine », déclare Anne Hidalgo14 qui rappelle « les liens forts » tissés sur le continent au fil des années.
Pour « les Républicains », la relation s’inscrit dans le souvenir du voyage historique réalisé par le Général de Gaulle en 1964 : entretenir le socle francophone, favoriser les échanges économiques qui « représentent 5% de l’ensemble des échanges de la France », poursuivre « une coopération scientifique très dense », tandis que l’Europe peut constituer un levier de partenariat. Celui-ci, compte tenu de la place qu’occupe la problématique environnementale dans le schéma de développement, intéresse le parti « les Verts ». Le Chili est en pointe, avec le Mexique, sur le sujet. La problématique de l’Amazonie ne concerne pas seulement le Brésil. La Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Guyana, le Pérou, le Suriname, le Vénézuéla et la France (avec la Guyane) sont également concernés. Cette réalité a été bien comprise par plusieurs candidats de gauche, mais également « les Républicains » et « LREM ». Il est certain que la France compte un envoyé spécial pour l’Alliance pour la préservation des forêts tropicales, avec une longue expérience latino-américaine, permettant une sensibilisation de l’Etat au problème. Avec l’environnement, la promotion de la langue française dans un environnement hispanophone, lusophone et dans les Caraïbes anglophone, est stratégique.
Les lignes se rejoignent sur la façon d’aborder cet ensemble : la majorité des mouvements politiques mettent en avant la francophonie.
Elle constitue un angle, renvoyant à l’idée d’une politique linguistique et culturelle ambitieuse. Mais les objectifs posés ne conduisent pas à la même ligne politique. Coopération notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique, dialogue entre les peuples pour la gauche, champ d’opportunité visant à contribuer à un renforcement de sa position nationale pour le « RN », « Reconquête », tous, à gauche comme à droite, convergent sur l’idée d’une absence de déplacements présidentiels bilatéraux durant le quinquennat d’Emmanuel Macron, laissant sous-entendre un repli de la position française. Les relations tendues avec le Président Bolsonaro ont été rappelées par le « RN » et « Reconquête » qui soulignent les principes de « respect des peuples et des Etats, la non-ingérence dans les affaires intérieures, la fin des postures moralisatrices »15.
Le « parti communiste » et son candidat, Fabien Roussel, saisissent le continent à travers le concept du déterminisme social et de la lutte des classes. Il est certain qu’en Amérique latine, 54% des emplois se comptent dans le secteur informel, fragilisant une partie de la population. Les liens avec Cuba ont beaucoup évolué depuis les années 1960 tandis que le leadership du combat social a été capté ces dernières années par Jean-Luc Mélenchon. Il est le seul responsable politique national à faire de l’Amérique latine un théâtre important d’une « diplomatie altermondialiste »16 et en faveur d’un « non-alignement ».
Ses liens avec Hugo Chavez depuis les années 2000 sont connus. Les deux hommes se voyaient notamment lorsque le leader vénézuélien venait à Paris, durant les années marquées par la problématique posée par la capture d’Ingrid Betancourt par les FARC17. Des responsables politiques comme la sénatrice colombienne Piedad Cordoba, l’entourage d’Hugo Chavez, des leaders syndicaux notamment péruviens ou chiliens, ont contribué à sensibiliser le leader de « La France insoumise », à une réalité sociale transposée dans une approche politique nationale. Jean-Luc Mélenchon avait fait la proposition, lors de la campagne de 2017, de voir la France rejoindre l’ « Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique » (ALBA)18 créée à l’initiative du Vénézuéla d’Hugo Chavez en 2004. La polémique avait gonflé en 2017 et l’idée n’a pas été reprise en 2022.
« La France insoumise » affirme qu’en Amérique latine, « nous cesserons en particulier, d’aligner systématiquement la France sur les positions des nord-américains qui considèrent depuis le début du 19ème siècle, ce continent comme leur chasse gardée ». L’Amérique latine devient l’avant-garde d’une politique de lutte contre « l’agenda néo-libéral », prenant pour exemple l’accord de libre échange entre l’Union européenne et le Mercosur19 « dans lequel la question agricole est centrale ». Ce sujet est également un thème relevé par le « RN », « Reconquête », mais également le « Parti socialiste » ou « les Verts ».
Il symboliserait une perte d’indépendance agricole française au profit de structures supranationales, saisies à travers un prisme de classe d’une part mais également en faveur d’« une souveraineté alimentaire » nationale20. Tous font valoir l’absence de déplacement du Chef de l’Etat sur le continent pendant son quinquennat.
Hormis à l’occasion du Sommet du G20 en Argentine du 30 Novembre au 1er Décembre 2018, Emmanuel Macron n’a pas effectué de visites bilatérales en Amérique latine.
Ceci étant, les circonstances exceptionnelles vécues notamment lors de la crise des gilets jaunes en 2019 et plus encore, avec la pandémie de la Covid-19 depuis les premiers mois de l’année 2020, permettaient-elles de mener à bien un tel voyage ?
En revanche, le Président français a reçu systématiquement, à Paris, ses homologues latino-américains, ou pendant les rencontres multilatérales, à l’instar de l’Assemblée générale de l’ONU avant la pandémie. Le Président colombien était présent au Sommet de Brest où se tenait le « One planet summit » dédié à l’Océan. Déclarations en faveur d’un fonds pour l’Amazonie lors du Sommet de Biarritz d’Août 2019, convergences sur la lutte contre le réchauffement climatique à l’ONU avec le Mexique ou le Chili, le Président-candidat mesure les conséquences économiques et sociales de la pandémie sur un continent qui ne peut désormais prendre le risque d’être entraîné dans une logique de rivalités internationales.
C’est pourquoi l’Europe peut constituer, à ses yeux, l’axe essentiel d’une nouvelle alliance à la hauteur des enjeux, au-delà des rivalités idéologiques. Somme toute, l’idée est de dire qu’il faut se donner les moyens de son ambition. Le constat est posé : l’Amérique latine est en phase de recomposition : sur le plan politique, les alternances depuis 2019 qui concernent le Chili, l’Argentine, le Pérou, la Bolivie, le Honduras illustrent cette tendance. Au niveau économique, la présence renforcée ces dernières années de la Chine, par exemple, principal partenaire du Brésil, complexifie des relations rendues fébriles par l’affaiblissement des ensembles régionaux et par la montée des nationalismes. La crise économique et sociale qui se traduit par la marginalisation de 32.7% de la population peut inciter à un réalisme ouvrant la voie à de nouvelles alliances : Emmanuel Macron sait que dans ce cadre, l’Europe peut constituer la solution à une ambition partagée vers un continent qui est désormais l’ultime frontière d’un occident soumis aux pressions économiques des conséquences de la guerre en Ukraine.
L’idée d’une 3ème voie est énoncée par « les Républicains (LR) »21, « en coopération étroite, notamment avec l’Espagne et le Portugal », tandis que « les moyens politiques, humains et économiques du Quai d’Orsay seront renforcés et réorganisés dans cette direction ». Jean-Luc Mélenchon, qui a effectué des déplacements ces dernières années dans les Andes, au Pérou, en Equateur, mais également en Bolivie ou au Brésil, ne cachant pas son amitié pour le vénézuélien Nicolas Maduro ou l’ancien Président brésilien Luis Inacio Lula da Silva, parle d’ «un non-alignement ».
Le continent est bien identifié par les forces politiques nationales dans leur vision de la politique étrangère.
Paradoxalement, il reste méconnu, étant saisi comme un bloc alors que la diversité des 33 pays qui le composent peuvent ouvrir autant de perspectives d’échanges. La percée de la Chine ces dernières années démontre qu’une stratégie répondant également aux besoins économiques et en infrastructures, peut se traduire par une nouvelle réalité à l’échelle du continent. Au-delà du sentiment de proximité qui puise ses origines dans une histoire contemporaine élaborée essentiellement au XXème siècle, la France a désormais tout intérêt à se servir du levier européen pour être à la hauteur de l’évolution de l’offre internationale dont l’Amérique latine a besoin pour garantir un développement économique et une cohésion sociale, mis à mal par la pandémie de la Covid 19.
Conclusion
Les mouvements politiques nationaux français ont identifié l’Amérique latine dans leur approche internationale. Le continent bénéficie d’un capital de sympathie qui puise ses origines dans son histoire contemporaine : les mouvements politiques issus de la gauche n’oublient pas les années de lutte pour la démocratie durant les années 1970-1980. Les problématiques liées au climat et à la protection de l’environnement intéressent le mouvement des verts. La situation sociale et la permanence des inégalités, tandis que la pandémie de Covid-19 a renforcé le niveau de pauvreté, conduit la France insoumise à faire de l’Amérique latine un terrain d’expérimentation d’une approche altermondialiste, essentielle dans son projet de politique étrangère.
La francophonie, la présence de la Guyane et des Antilles françaises offrent à l’ensemble des forces politiques une argumentation en faveur d’un soutien à la langue. La défense du concept « d’indépendance », chère à l’identité latino-américaine, permet aux mouvements, en fonction de leur idéologie, d’engager un débat à géométrie variable sur les choix politiques de certains dirigeants comme les Présidents du Vénézuéla, du Nicaragua ou du Brésil. Cuba n’est plus désormais un sujet d’achoppement.
Pour le Président-candidat, l’Amérique latine offre l’avantage d’une forme de « nouvelle frontière » à définir, dans le cadre d’une alliance avec l’Union européenne, tandis que la guerre en Ukraine oblige à rechercher de nouvelles sources d’énergie et de débouchés commerciaux.
Le leader de la « France insoumise » n’a pas repris sa proposition de 2017 visant à rejoindre l’organisation de l’ALBA, qui se voulait le contrepoids à la zone de libre échange engagée dans les années 2000 par les Etats-Unis.
Le réalisme commence à prendre le pas sur l’idéologie : l’Amérique latine a pour principaux partenaires économiques la République populaire de Chine et les Etats-Unis. Dans le contexte actuel de tensions internationales, cette forme de bipolarité née d’une diversification d’interlocuteurs économiques et commerciaux peut conduire l’Amérique latine à rechercher une alliance alternative, crédible et durable : l’Europe peut constituer une nouvelle voie s’inscrivant dans une relation « gagnant-gagnant », entre deux continents confrontés désormais à des défis géopolitiques qui définiront leur place dans un environnement international en pleine ébullition.
Pascal DROUHAUD est spécialiste de l’Amérique latine. Auteur de « FARC, confessions d’un guérillero / Choiseul/ Paris/2008), il est Président de l’association France-Amérique latine LATFRAN
Guillaume ASSKARI est journaliste, membre de l’Association LATFRAN
- Les candidats à l’élection présidentielle française en 2022 sont : Nathalie ARTHAUD/ Lutte ouvrière / Nicolas DUPONT-AIGNAN/ Debout la France ; Anne HIDALGO/ Parti socialiste ; Yannick JADOT/ Europe-Ecologie/Les Verts ; Jean LASSALLE/ résistons ; Marine LE PEN/ Rassemblement national ; Emmanuel MACRON/ La République en Marche ; Jean-Luc MELENCHON/ La France insoumise ; Valérie PECRESSE/ Les Républicains ; Philippe POUTOU/ Nouveau parti anti-capitaliste ; Fabien ROUSSEL/ Parti communiste ; Eric ZEMMOUR/ Reconquête. ↩
- La Vème République est instaurée à l’issue de l’adoption du référendum du 28 Septembre 1958. La constitution de la nouvelle République est promulguée le 4 Octobre 1958. Le Général de Gaulle a été élu, par un collège de grands électeurs, Président de la République le 21 Décembre 1958. ↩
- Le traité visant à instituer la Communauté européenne de défense (CED) a été rejeté par l’Assemblée nationale le 30 Août 1954. Il avait été ratifié par la RFA et les pays du Bénélux. ↩
- L’élection présidentielle des 5 et 19 Décembre 1965 a été la première au suffrage universel direct. Cette réforme avait été adoptée en 1962 à la suite du référendum du 28 Octobre. ↩
- L’attentat du Petit Clamart a lieu le 22 Août 1962. Conduit par Jean-Bastien Thiery, le commando à l’origine de l’Opération Charlotte Corday parvient à tirer 187 balles dans une embuscade à Clamart. 14 touchent la DS dans laquelle se trouve le Chef de l’Etat et son épouse, ainsi que son gendre, le Colonel Alain de Boissieu, aide de camp et le gendarme Francis Marroux, chauffeur. Aucun ne sera touché. Le résultat politique de cet attentat est la décision du Général de Gaulle de demander au peuple français d’élire le Président de la République au suffrage universel direct. ↩
- « Marcel Fontaine et Marcel Carton, fonctionnaires du Ministère des Affaires étrangères en poste au Liban, le journaliste Jean-Paul Kauffmann et le sociologue Michel Seurat avaient été enlevés en mars et mai 1985 par l’Organisation du Jihad islamique, proche du Hezbollah libanais ». Michel Seurat est décédé pendant sa détention.
En pleine campagne électorale pour l’élection présidentielle de 1988, la libération des otages dont se félicitent le Président Mitterrand et le 1er Ministre Chirac alimente une polémique sur les conditions de leurs libération, révélée au grand jour pendant le débat présidentiel de l’entre deux tours. ↩
- Avec l’éclatement de l’ex-Yougoslavie à la suite de la chute du mur de Berlin le 9 Novembre 1989, les Balkans s’enflamment. « Les guerres de Yougoslavie » se sont déroulées entre le 31 mars 1991 et le 12 novembre 2001. Les indépendances de la Croatie, de la Slovénie, du Kosovo et de la Bosnie-Herzégovine ont été suivies de conflits internes qui ont fait entre 130 000 et 140 000 victimes. La France est présente sur ces théâtres de guerre à travers la présence de milliers de soldats appartenant, pour partie, à la force de casques bleus de l’ONU depuis 1992, la FORPRONU. ↩
- Haiti est indépendante en 1804, devenant la 1ère République noire des Amériques, et la deuxième nation indépendante du continent après les Etats-Unis. Toussaint Louverture, ancien gouverneur général et Jean-Jacques Dessalines, sont les héros d’une indépendance acquise contre les troupes françaises commandées par Donatien de Rochambeau, et définitivement battues le 18 Novembre 1803 à la bataille de Vertières. ↩
- Le code civil ou « Code Napoléon » est un code juridique rassemblant les lois du droit civil français dont la publication date du 21 Mars 1804. ↩
- L’expédition militaire française au Mexique se déroula de 1861 à 1867, sous le règne de Napoléon III (1852-1870), pour appuyer l’installation de Maximilien de Habsbourg, devenu Empereur du Mexique, en 1864 et mort fusillé le 19 Juin 1867. ↩
- Le Général de Gaulle effectue un déplacement officiel au Mexique du 16 au 19 Mars 1964. ↩
- A la veille du sommet de Cancun, consacré au dialogue Nord-Sud, le Président François Mitterrand effectue une visite officielle au Mexique les 20 et 21 octobre 1981, reçu par son homologue, le Président José Lopez Portillo. Il y prononce une déclaration manifestant un soutien aux mouvements révolutionnaires centraméricains, marquant une inflexion de la politique de la France dans la région. ↩
- Les Antilles françaises sont composées de la Guadeloupe (DROM) , de la Désirade, de Marie-Galante, de l’archipel des Saintes, dépendances administratives de la Guadeloupe, de la Martinique, (Collectivité territoriale unique d’outre-mer), de Saint-Barthélémy (collectivité d’outre-mer. La partie nord de l’Ile de Saint Martin est une collectivité d’outre-mer (COM). ↩
- Parti socialiste – Propos recueillis par M. Guillaume Asskari / Journaliste ; 1er Avril 2022. ↩
- Reconquête – Propos recueillis par M. Guillaume Asskari / Journaliste ; 2 Avril 2022. ↩
- La France Insoumise – Propos recueillis par M. Guillaume Asskari / Journaliste ; 4 Avril 2022. ↩
- La France Insoumise – Propos recueillis par M. Guillaume Asskari / Journaliste ; 4 Avril 2022. ↩
- FARC : les forces armées révolutionnaires colombiennes ont été créées en 1964. D’inspiration marxiste léniniste avec à sa tête Manuel Marulanda, chef historique décédé en 2008, elles ont mené un combat insurrectionnel jusqu’à la signature d’un accord de paix avec le gouvernement colombien en 2016. Du 23 Février 2002 au 2 Juillet 2008, les FARC ont détenu Ingrid BETANCOURT, alors candidate aux élections présidentielle de Mai 2002. Le président Nicolas SARKOZY avait lancé un appel à Manuel Marulanda, alias « Tirofijo » le 5 Mars 2008, « à ne pas laisser mourir Ingrid Bétancourt ». ↩
- ALBA : Alliance bolivarienne pour les Amériques, a été fondée le 14 Décembre 2004 à la Havane. Elle s’oppose à la zone de libre échange des Amériques engagée par les Etats-unis. La Bolivie, Cuba, le Nicaragua, le Vénézuéla, le Suriname, Antigua et Barbuda, Dominique, la Grenade, Sainte Lucie, St Christophe et Niévès, Saint Vincent et les Grenadines en font partie. ↩
- Reconquête – Propos recueillis par M. Guillaume Asskari / Journaliste ; 2 Avril 2022. ↩
- Les Républicains – Propos recueillis par M. Guillaume Asskari / Journaliste ; 1er Avril 2022. ↩