La macronie a plié mais n’aura pas rompu. Tout au moins en cette entame d’un automne dont on nous annonce qu’il pourrait être abrasif, sur les deux fronts où se dessinaient les menaces les plus déstabilisantes, l’exécutif aura pour l’instant tenu.
Sur le front social la grève des raffineries s’essouffle ; quant au fameux risque de « coagulation » force est de constater qu’en l’état il relève du registre de la légende « politico-médiatique » tant rien ne peut en mobiliser l’occurrence à partir d’appareils syndicaux dont la puissance mobilisatrice parait s’être émoussée au fil des ans et dont les divisions entre réformistes et maximalistes rendent peu probable l’efficience d’une convergence.
A ce constat, il convient de rajouter que les syndicats, pas plus que les partis politiques, ne jouissent dans l’opinion d’un crédit en mesure de faciliter leurs démarches.
Du coté du front parlementaire, les oppositions, principalement la NUPES, bien plus au demeurant que le RN, s’émeuvent du recours au 49.3, comme si cet article prévu par la Constitution, pratiqué depuis 1958 par tous les gouvernements, devait être diabolisé, érigé presqu’en coup de force politique contre la représentation parlementaire alors qu’il n’est qu’une possibilité laissée à tout exécutif pour faire adopter un texte par le recours à un vote bloqué. S’en offusquer est d’autant plus hypocrite que le droit de tirage relatif à cette procédure est depuis 2008 considérablement limité et qu’en outre la XVIe législature offre mathématiquement aux oppositions, qui prétendent s’opposer avec détermination au gouvernement, la capacité de voter une motion de censure. Or, la gauche n’entend pas mêler ses voix à ce stade au RN, quand les Républicains se font les partisans d’une opposition bien plus médiatique et jésuistique que… politique.
Le constat est donc à l’impuissance des opposants institutionnels, qu’ils soient syndicaux ou partisans, validant la stratégie gouvernementale de gérer au fil de l’eau le char de l’Etat.
Toute la question consiste à savoir jusqu’à quand cet équilibre, ô combien précaire, pourra résister aux multiples secousses qui ne manquent pas de l’ébranler au quotidien. Tout se passe comme si dans le moment, par-delà le jeu de rôles des différentes parties prenantes, le moment était pour les unes comme pour les autres à la préservation des acquis précaires de chacun afin d’éviter d’ouvrir la boîte de Pandore d’une crise politique, quand bien même celle-ci ne cesse de planer sur un pays aussi fatigué que préoccupé…
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne