Sur la question laïque à l’école, les premiers pas du ministre de l’Education nationale sont conformes à ce qu’il faut attendre d’un ministre de l’Education nationale. Après une année d’atermoiements liés à l’action de son prédécesseur, Gabriel Attal rappelle des principes qui sont essentiels. L’école n’est pas et ne saurait être le lieu du prosélytisme doublé de celui de la provocation. Il est à souhaiter qu’elle le demeure, même si rien n’est moins sûr tant la tentation est grande parfois, y compris parfois avec les meilleures intentions du monde, de formater les jeunes consciences au prisme des lubies du moment.
Le problème majeur de l’école est en amont. Cette dernière a perdu pour une part le fil de sa vocation. Elle n’instruit plus qu’inégalement. L’affaiblissement de la France dans le fameux classement PISA établi par l’OCDE objective une évolution pour le moins préoccupante. C’est là l’enjeu essentiel.
Une société résiste d’autant mieux aux idéologies mortifères qu’elle dispose d’un socle éducatif solide.
Les évaluations parlent d’elles-mêmes. Sur l’apprentissage et l’acquisition des fondamentaux, le pays comparativement est en recul. On sait qu’un grand nombre d’élèves entrant en sixième ne maîtrise qu’imparfaitement, voire très imparfaitement la lecture, l’écriture et le calcul, c’est-à-dire les bases élémentaires de l’accès à la connaissance. Ce constat ne résulte pas d’une fatalité mondiale puisque si l’on tourne le regard au-delà de nos frontières nombre de nations parviennent à maintenir un système éducatif performant, qu’il s’agisse de l’Allemagne, de la Finlande, du Canada ou de la Corée du Sud entre autres.
Le malaise français a plusieurs causes : l’empilement des réformes qui déstabilise l’institution scolaire, la perte d’attractivité des métiers de l’enseignement, mal rémunérés et exposés à des conditions de travail de plus en plus difficiles, une formation moins exigeante également pour ceux qui accèdent à ces fonctions, sans compter les effets corrosifs d’un pédagogisme qui sur plusieurs générations a contribué à la baisse du niveau général dans un pays qui par ailleurs renonçait dans le même temps à des politiques d’assimilation indispensables pour produire de la citoyenneté. Cette conjonction de déterminants explique le déclin qui opère depuis de nombreuses années et qui participe de l’accroissement des inégalités d’une part, de l’affaiblissement du modèle républicain d’autre part.
C’est ainsi que l’objectif chevenementiste de permettre à 80 % d’une classe d’âge d’accéder au baccalauréat s’est retourné contre ses initiateurs aussi, en dévaluant le diplôme et en créant des attentes sans rapport avec une démocratisation de l’enseignement supérieur qui ne coïncide par pour autant avec un horizon de mobilité sociale.
C’est dire s’il faut éviter de considérer que le traitement des symptômes (le séparatisme, l’incivilité, le déficit d’autorité, etc) est en soi suffisant, quand bien même est-il nécessaire, si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes qui ont présidé au déclassement auquel nous sommes confrontés. Il faudra pour cela plus de constance, plus de rigueur, plus de moyens, loin des effets de mode et de com’ ! Un chantier au caractère prioritaire et refondateur.
Arnaud Benedetti
Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire
Professeur associé à l’Université Paris Sorbonne