“Les compromis” plonge le lecteur dans les arcanes des institutions européennes et plus particulièrement du Parlement européen. Thierry Libaert, professeur en sciences de la communication et conseiller au Comité économique et social européen nous livre son analyse du premier roman de Maxime Calligaro et Eric Cardere.
Les critiques d’ouvrages policiers sont ici totalement exceptionnelles. Mais le meurtre de Sandrine Berger, une eurodéputée verte française qui vient d’être nommée en charge du rapport du Parlement européen sur les moteurs truqués et qui s’apprête à proposer une réforme de la règlementation européenne sur les moteurs diesel, est surtout une formidable découverte du Parlement européen et de ses procédures. Le personnage principal est l’assistant de la députée assassinée ; accompagné d’un journaliste spécialisé dans les affaires européennes, il cherche à connaître les dessous de l’affaire. Parfaits connaisseurs des institutions européennes dans lesquelles ils ont travaillé, les auteurs livrent une parfaite introduction à la connaissance du Parlement européen et tout est totalement exact : le calendrier d’adoption, l’agenda des séances plénières, le travail en commission, les articles des traités.
L’histoire est magistralement bien menée, les personnes particulièrement crédibles, les lieux parfaitement restitués et j’ai adoré les petites phrases :
- « Ceux qui pensent que la flatterie ne sert à rien n’ont jamais côtoyé les politiques.»
- « Commissaire, je n’ai rien fait.» « Un eurocrate qui ne fait rien, cela ne m’étonne qu’à moitié.»
- « La Commission européenne, responsable mais pas capable.»
- « La démocratie européenne, c’est un boulot de Youtuber. Il ne faut pas s’adresser à ceux qui sont dans l’hémicycle. De toute façon, personne ne t’écoute, tout le monde est sur son smartphone. Ce qui compte, c’est ce qu’on pourra poster sur les réseaux sociaux. Faut du rythme, des idées simples, des enchaînements clairs.»
J’ai également découvert l’histoire assez incroyable du mariage de Jean Monet. Son amour était italienne et mariée, elle ne pouvait pas divorcer selon la loi italienne. Jean Monet organisa son déplacement en Union Soviétique où la loi permettait aux femmes de divorcer unilatéralement. En une journée, grâce aux réseaux diplomatiques, elle obtint la nationalité soviétique, divorça de son mari et se maria avec Jean Monet. Ce qui fait dire aux auteurs : « Vous voyez, en amour comme en politique, il faut savoir discerner des chemins là où d’autres ne voient que des impasses. » Assez incrédule, j’ai vérifié la véracité de cette histoire.
Le livre est préfacé par Daniel Cohn-Bendit qui déclare n’avoir pu interrompre sa lecture avant la dernière page.
Les compromis
Maxime Calligaro et Eric Cardere
Payot et Rivages, 2019, 280 p.