Dans son Requiem pour le monde occidental, Pascal Boniface, directeur-fondateur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), remet en question la notion de « monde occidental ». Ce terme, selon lui, était justifié à l’époque de la guerre froide : le « bloc occidental » constituait effectivement une entité géopolitique cimentée par la peur de l’expansion du bloc soviétique et la recherche de la protection exclusive des États-Unis.
Aujourd’hui le concept de monde occidental, souvent confondu avec la « communauté internationale » s’est vidé de son sens. La première ne représente pas la seconde dans sa globalité. Sortir de la dépendance c’est passer de l’occidentalisme au multilatéralisme.
Plongeant dans l’histoire de la dépendance européenne, Pascal Boniface aborde, pour commencer, l’époque de la « dépendance heureuse » : durant la guerre froide, l’Europe, n’ayant pas les moyens de sa sécurité avait besoin des États-Unis. La notion de monde occidental était donc pertinente. À partir des années 60, De Gaule a « bousculé bien des habitudes et des certitudes » pour établir une politique d’indépendance, encouragé en cela par la possession d’une arme de dissuasion nucléaire. Arrivé au pouvoir, Mitterand pratiqua une politique d’indépendance sans remettre en cause l’adage « Allié mais non aligné ». À la fin de la guerre froide, l’Otan a survécu à la disparition de la menace qui avait justifié sa création, c’est l’ère de la « dépendance inutile, dépendance renforcée ». Face aux évènements internationaux, L’Europe vit toujours sous influence. « Relayer les thèses venues d’outre-Atlantique paraît aussi naturel qu’exhaler l’air qu’on respire. C’est invisible » écrit Pascal Boniface. Se fondant sur plusieurs exemples tirés de la scène internationale, il relève et déplore l’indignation sélective et la politique des deux poids deux mesures qui caractérisent les politiques occidentales au point de s’interroger « si par leur comportement hégémonique, les États-Unis, ne sont-ils pas autant source d’insécurité que de sécurité ». Pascal Boniface se demande dans quelle mesure l’Europe peut-elle mettre fin à une dépendance devenue non seulement inutile mais de plus en plus pesante et finalement dangereuse, soulignant, à cet effet, de nombreuses divergences entre l’Europe et le « leader américain », voire au sein même de l’Europe. « Un moment de l’histoire a pris fin : celui où le monde occidental avec ses qualités et ses défauts correspondait à un ensemble géopolitique cohérent. Ce n’est plus le cas. Il ne faut pas avoir peur de prononcer son oraison funèbre plutôt que de psalmodier le thème des valeurs occidentales. Il est temps de bâtir autre chose et de créer des alliances sur la base du multilatéralisme » écrit Pascal Boniface.
Cet ouvrage appelle à revisiter les liens transatlantiques, historiquement révolus, mais qui restent bien incrustés dans les politiques menées, par suivisme et par préjugés. Il a bien sa place en ce moment critique où l’Europe est appelée à se reconstruire et à répondre au défi de l’expansion de la Chine et de la montée du terrorisme et où elle est invitée à bâtir une autonomie stratégique et à construire un système de défense.
Requiem pour le monde occidental
Relever le défi Trump
Pascal Boniface
Editions Eyrolles, 2019
160 p. – 16 €