Une motion de censure a été rejetée lors du vote intervenu le 19 février 2015 à la suite de l’engagement de responsabilité du gouvernement sur ce texte. Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est donc considéré comme adopté en première lecture, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le Sénat l’a examiné en première lecture du 7 au 17 avril et du 4 au 12 mai 2015.
Rapporteurs à l’Assemblée nationale de la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité : MM. Richard Ferrand (SRC, Finistère), rapporteur général, et les huit rapporteurs thématiques Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume (SRC, Côte-d’Or), Denys Robiliard (SRC, Loir-et-Cher), Gilles Savary (SRC, Gironde), Alain Tourret (Radical, républicain, démocrate et progressiste, Calvados), Stéphane Travert (SRC, Manche), Mmes Cécile Untermaier (SRC, Saône-et-Loire), et Clotilde Valter (SRC, Calvados).
Rapporteurs de la commission spéciale du Sénat : Mmes Catherine Deroche (Les Républicains, Maine-et-Loire), Dominique Estrosi Sassone (Les Républicains, Alpes-Maritimes) et M. François Pillet (Les Républicains, Cher). Adoption en première lecture par le Sénat le 12 mai 2015.
“Ce texte doit être amélioré, pas détricoté” a affirmé M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’Industrie et du Numérique le 7 avril 2015 au début de la discussion au Sénat. “Je ne fixe donc qu’une seule limite au dialogue, celle de ne pas être en deçà de l’ambition réformiste qui est la nôtre.”
Le projet de loi qui comprenait initialement 106 articles, puis 295 articles après le vote de l’Assemblée nationale, en comprenait 332 après le vote du Sénat. Au total, 1800 amendements y ont été déposés et 280 ont été adoptés. Il a été adopté après plus de trois semaines de débat au Sénat.
Le Sénat n’a pas adopté l’exception d’irrecevabilité par 307 voix contre 19 ni la question préalable par 310 voix contre 20.
Au cours de l’examen des articles du titre Ier, relatif à la libération de l’activité, le Sénat a adopté, dans la rédaction issue des travaux de la commission spéciale et par 209 voix pour et 20 contre, l’article 1er créant l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) et fixant ses compétences ; l’article transforme l’Autorité de régulation des activités ferroviaires en une Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, dont les compétences sont étendues aux secteurs autoroutier et du transport public routier de personnes.
Il adopté l’article 1er quinquies introduit par la commission spéciale visant à ouvrir à la concurrence les transports ferroviaires régionaux en 2019.
Il a adopté, par 187 voix contre 140, l’article 2 relatif à l’ouverture des services de transport non urbains par autocars, en fixant notamment à 200 km la distance en-dessous de laquelle les liaisons par autocars pourront être interdites ou limitées par l’Autorité régulatrice des transports et en supprimant l’avis conforme de l’ARAFER. Un amendement du gouvernement proposant de rétablir à 100 kilomètres comme dans la version initiale du texte a été rejeté. Selon M. Emmanuel Macron le seuil de 100 kilomètres permet de donner un droit de regard à l’Autorité organisatrice des transports sans risquer le blocage que provoquerait un seuil de 20 ou 300 kilomètres.
Il adopté l’article 4 relatif aux gares routières de voyageurs modifié par un amendement de Mme Fabienne Keller (Les Républicains, Bas-Rhin) visant à encourager et soutenir le rapprochement des gares routières et ferroviaires afin de favoriser une complémentarité entre les modes de transport (train, autopartage, vélo, autobus, métro ou tramway) et “l’émergence d’un nouveau centre ville”.
Il a adopté l’article 5, relatif à la régulation du secteur autoroutier avec un amendement du gouvernement visant à rétablir la disposition prévoyant, en vue d’une meilleure régulation des tarifs de péages, l’orientation vers les coûts des contrats de plan autoroutiers, supprimée en commission spéciale.
Il a rétabli l’article 5 bis A prévoyant que “sur les autoroutes comportant au moins trois voies et traversant ou menant vers une métropole, une de ces voies peut être réservée aux heures de forte fréquentation à la circulation des véhicules les plus sobres et les moins polluants, des transports en commun, des taxis, des véhicules des services d’auto-partage, des véhicules utilisés en covoiturage lorsque le véhicule est utilisé par au moins trois personnes.”
Il a adopté un amendement du gouvernement tendant à élargir le champ des missions de la Société du Grand Paris, afin que “par le biais d’une filiale créée à cet effet, elle puisse exercer « l’activité d’opérateur de communications électroniques »”. Le gouvernement a indiqué dans l’exposé des motifs de l’amendement qu’ “au-delà de la réalisation des infrastructures numériques (limitées au déploiement de la fibre optique ou des installations nécessaires à la transmission d’ondes hertziennes ou WIFI), l’implication de la Société du Grand Paris dans la mise en œuvre des services associés et donc l’activation de ces réseaux numériques apparaît essentielle pour lui assurer une bonne maîtrise du projet numérique global qu’elle doit mettre en œuvre.”
Il a adopté sans modification, l’article 8 relatif au stationnement des voitures de transport avec chauffeur (VTC) aux abords des gares et des aéroports.
Il a inséré un article additionnel ayant pour objet d’autoriser toute personne titulaire du permis B notamment, à conduire un véhicule et appareil agricole ou forestier dont la vitesse n’excède pas 40 km/h, notamment les tracteurs.
Il a adopté l’article 9 relatif à la réforme du permis de conduire avec, afin de faire respecter le caractère de service universel de l’accès aux épreuves du permis de conduire, un amendement tendant à rétablir dans la loi l’affirmation visant à préserver l’équité territoriale du passage dans des délais raisonnable du permis de conduire.
Il a adopté l’article 10 B relatif aux négociations commerciales avec un amendement permettant d’introduire un régime adapté à la relation commerciale dans le B/B (« Business to Business ») principalement réalisé par des PME. Les auteurs de l’amendement ont rappelé que la loi Hamon a renforcé les contraintes pesant sur les relations commerciales : déséquilibre de la relation entre la grande distribution, concentrée à l’extrême, et ses fournisseurs (B/C). Les PME sont en situation d’insécurité juridique ; les formalités qui leur sont imposées constituent un frein à leur activité et un handicap face à la concurrence étrangère qui n’est pas tenue aux mêmes obligations.
Il a inséré un article additionnel afin de permettre aux magasins de commerce de détail de plus de 1 000 m² de mettre en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire.
Il a adopté un article additionnel de suppression de la majoration de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), créée par la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative.
Il a adopté l’article 11 quinquies relatif à l’aménagement des règles sur les délais de paiement modifié par un amendement du gouvernement visant à ne pas allonger les délais de paiement.
Il a adopté un article additionnel visant à faciliter le transfert de débit de boisson de 4e catégorie : l’interdiction de pouvoir procéder à un transfert de débit de boisson de 4e catégorie peut selon les auteurs de l’amendement se révéler être une mesure anti économique, lorsque la commune de support ne dispose plus d’un environnement suffisant pour le maintien d’une exploitation dont le titulaire souhaitait céder ou transférer l’activité dans une autre commune.
À l’article relatif à la réglementation des tarifs des officiers publics ou ministériels et de certaines professions juridiques, le Sénat a notamment adopté un amendement visant à ne pas soumettre à un tarif réglementé les actes soumis à la concurrence des professionnels du droit ; les auteurs de l’amendement considèrent que comme les actes soumis à la concurrence des autres professionnels du droit ne doivent pas être soumis à un tarif réglementé, cette disposition n’a pas lieu d’être.
D’une manière générale, il a considéré, comme en commission, qu’il y avait lieu de tenir compte de la spécificité de l’activité juridique, qui n’est pas une marchandise comme les autres et qu’il convenait de garantir à tous les professionnels concernés une juste rémunération.
Il a adopté sans modification les articles fixant les dispositions relatives à la liberté encadrée d’installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires, ainsi que l’âge limite d’exercice de ces professions à 70 ans.
Il a adopté l’article 20 bis destiné à permettre aux experts-comptables d’effectuer, à titre accessoire, des missions en matière administrative, fiscale ou sociale, à l’exception des consultations juridiques et de la rédaction d’actes sous seing privé, pour des clients pour lesquels ils n’effectueraient pas de travaux.
Il a adopté la création de sociétés multiprofessionnelles du droit avec un amendement visant à supprimer la possibilité d’instaurer des rémunérations au succès pour les activités exercées à titre accessoire par les experts-comptables.
Au titre II relatif à l’investissement, le Sénat a adopté l’article 28 qui habilite le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance dans le domaine du droit de l’environnement modifié en séance par un sous-amendement déposé par la commission spéciale tendant à restreindre le champ de l’habilitation en le limitant aux mesures permettant d’accélérer la réalisation des projets et opérations de construction et d’aménagement.
Il a adopté un article inséré par la commission spéciale en vue de rendre obligatoire la couverture des zones blanches (zones n’étant couvertes par aucun opérateur) et grises de téléphonie mobile (zones couvertes par un seul opérateur). Le rapport de la commission spéciale indique que selon l’ARCEP environ 0,18 % de la population (soit environ 100 000 habitants) sont en zone blanche et 2 % (soit environ 1 100 000 habitants) en zone grise.
Il a adopté un article additionnel relatif à la lutte contre le caractère ultra-dominant de certains moteurs de recherche en obligeant leur exploitant à ouvrir leur plateforme à des concurrents, avec la possibilité pour l’Autorit é de régulation des communications électroniques (ARCEP) de sanctionner les manquements d’une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires mondial du contrevenant (amendement de Mme Catherine Morin-Desailly, UDI-UC, Seine-Maritime). L’exploitant doit mettre à disposition de l’utilisateur des informations sur les principes généraux de classement et de référencement proposés. Mme Catherine Morin-Desailly a rappelé que le Parlement européen avait adopté en novembre 2014 une résolution pour la défense des droits des consommateurs sur le marché numérique qui appelait la Commission européenne à des propositions en vue de mieux séparer les moteurs de recherche des autres services proposés par ces entreprises.
Il a adopté les dispositions d’assouplissement des conditions d’attribution des actions gratuites et de mise en place d’un régime fiscal et social plus favorable (actionnariat salarié) avec un amendement proposant que les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes depuis trois ans puissent également bénéficier de l’exonération de la contribution patronale. Les auteurs de l’amendement soutiennent que le coût de la mesure est bien inférieur au « montant que le ministre avait estimé […] correspondre à une extension de l’avantage accordé aux PME à l’ensemble des entreprises et non aux seules ETI.
Il a adopté un amendement de M. Michel Raison (Les Républicains, Haute-Saône) portant article additionnel en vue de soutenir la consommation française d’ameublement en autorisant les ménages français à prélever une partie de leur épargne logement (PEL) pour l’achat de meubles.
Il a adopté un article additionnel introduit par le gouvernement afin de réduire l’impôt sur les sociétés de 2,5 milliards d’euros en incitant celles-ci à investir entre avril 2015 et avril 2016. Le mécanisme a pour objectif de leur permettre de majorer de 40 % le montant des amortissements qui viendront réduire leur base taxable. Les biens immobiliers et les bâtiments industriels temporaires en seraient exclus, mais non les infrastructures de production liées à une entreprise innovante, dont les entreprises numériques. À M. Emmanuel Macron, qui s’est opposé à cet amendement, au motif que le bon échelon d’intervention est l’Union européenne, Mme Morin-Desailly a répondu que les procédures européennes sont lentes et qu’il est urgent d’agir. Un sous-amendement de M. David Assouline prévoyant qu’un des trois moteurs de recherche mis à la disposition de l’utilisateur « se situe en France » a été adopté.
Il a adopté les dispositions introduites en commission spéciale obligeant les branches professionnelles à engager des négociations sur l’intéressement avant le 30 décembre 2017 et permettant aux entreprises de bénéficier d’un délai de trois années avant de mettre en place un régime de participation, à condition que l’accord s’applique de manière continue pendant cette période.
Il a adopté l’article additionnel, inséré par l’Assemblée nationale, qui restreint la portée du livret d’épargne salariale ; que celui-ci ne doit plus traiter de l’ensemble des dispositifs légaux mais seulement de ceux mis en place dans l’entreprise, et oblige l’employeur à le porter à la connaissance des représentants du personnel. Le Sénat a modifié l’article par un amendement qui impose de remettre le livret aux représentants du personnel dans le cadre de la base de données économiques et sociales.
Il a modifié la rédaction de l’article relatif aux prêts interentreprises à la suite d’une concertation avec le gouvernement et la Banque de France en sécurisant davantage le dispositif. Le prêteur ne pourra être qu’une SA ou une SARL dont les comptes sont certifiés. Il est explicitement écrit que l’octroi d’un prêt ne doit pas avoir pour effet de contourner la législation sur les délais de paiement. Les contrats de prêts seront soumis au formalisme des conventions réglementées à la fois chez le prêteur (qui prend un risque) et chez l’emprunteur (qui peut se retrouver en situation de dépendance économique). Le montant des prêts sera communiqué dans le rapport de gestion et fera l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes. Enfin, le prêteur aura l’obligation de conserver les prêts consentis à son bilan et ne pourra pas les titriser.
Il a adopté l’exonération de forfait social pendant trois ans des entreprises employant moins de 50 salariés qui concluent pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement, puis l’application d’un taux réduit de 8 % pendant les trois années suivantes avec un amendement de Mme Isabelle Debré (Les Républicains, Hauts-de-Seine) visant à favoriser le développement de l’épargne salariale dans les TPE et les PME de petite taille qui ont conclu pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement en exonérant du forfait social pendant les trois premières années les versements des entreprises sur le PEE ou le PERCO.
Le Sénat a adopté l’article relatif à la cession par l’état de la majorité du capital du Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) afin de permettre un rapprochement entre Nexter, filiale du GIAT, et l’allemand KMN. Mme Brigitte Gonthier-Maurin (CRC, Hauts-de-Seine) a estimé qu’avec cette évolution la conception des armements ne serait plus fonction de nos besoins nationaux, mais de ceux du marché mondial. “Des compétences et savoir-faire risquent de disparaître. Des brevets français seront mutualisés, cédés au privé, au risque que l’Allemagne s’oppose à l’exportation de produits protégés par des brevets allemands. Enfin cette fusion se traduira, à terme, par des suppressions d’emplois.”
Il a adopté le 17 avril 2015, par 308 voix pour et 19 contre, l’article 48 qui permet à la Banque publique d’investissement (BPI) de devenir actionnaire de la société “Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies” (LFB) afin que celle-ci soit en mesure de financer la construction d’une nouvelle usine.
Il a adopté avec des modifications, le 17 avril, 2015, par 296 voix pour et 35 contre, l’article 49 qui autorise la cession au secteur privé de la majorité du capital des aéroports régionaux de Nice et Lyon. Les modifications, adoptées en séance publique par 297 voix pour et 24 contre, visent notamment à garantir que cette cession ne se fasse pas au détriment des territoires qui accueillent cette infrastructure et à élargir l’éventail des candidats au rachat d’une participation majoritaire cédée par l’État dans une société gestionnaire d’aéroport. Mme Dominique Estrosi-Sassone a considéré qu’il fallait non “pas retenir l’offre la plus avantageuse financièrement, mais celle qui garantisse à la fois la meilleure valorisation des parts de l’état et des intérêts locaux.” Il s’agit “d’éviter que ces privatisations fassent l’objet de débats au Parlement pendant dix à quinze ans après leur vote, car elles étaient mal préparées”, à l’instar des autoroutes.
Il a adopté un article additionnel de MM. Gérard Longuet (Les Républicains, Meuse) et Philippe Adnot (Non rattaché à un groupe, Aube) relatif à l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, afin de rendre celui-ci réversible. L’amendement fait suite au débat public tenu en 2013 sur le projet de centre de stockage réversible en couche géologique profonde Cigéo. Il vise selon ses auteurs à permettre notamment de répondre à l’une des principales attentes exprimées lors du débat public consistant à intégrer, au démarrage de l’installation, une phase industrielle pilote afin de tester la faisabilité des conditions de stockage et le cas échéant de les adapter.
Après avoir examiné les articles du titre III relatifs au travail dominical, le Sénat a repris l’examen du titre II le 5 mai 2015. Il a adopté un article additionnel visant à limiter le délai d’information préalable des salariés aux seuls cas de cessation d’activité, du fait de l’absence de repreneur.
Le Sénat a adopté l’article 55 ter qui vise à instituer une insaisissabilité de droit de la résidence principale de tout entrepreneur individuel, à l’égard de ses seuls créanciers professionnels.
Il a adopté l’article 60 qui habilite le gouvernement à mettre en place par ordonnance une carte d’identité virtuelle des entreprises permettant de justifier de leur identité et de l’intégrité des documents transmis dans leurs relations avec l’administration et les tiers.
Il a, après l’article 62 bis, modifié la loi Évin en précisant ce qui relève d’une part de la publicité directe et d’autre part de l’information journalistique et œnotouristique.
Il a adopté l’article 64 bis qui encadre les régimes de retraites à prestations définies dites retraites chapeau en liant leur progression aux performances des dirigeants d’entreprises.
S’agissant de la réforme des tribunaux de commerce, après un large débat au cours duquel le ministre a reconnu la nécessité de modifier sur certains points le texte issu de l’Assemblée nationale, le Sénat a suivi sa commission spéciale pour préciser qu’un tribunal de commerce spécialisé au moins devra être désigné dans le ressort de chaque cour d’appel et que sa compétence ne sera automatique que pour les entreprises de plus de 250 salariés (article 66). A été adopté en séance publique un amendement de M. Jacques Mézard (RDSE, Cantal) visant à préciser que les présidents du ou des tribunaux de commerce de droit commun siègent de droit au sein de la formation de jugement du tribunal spécialisé compétent, pour permettre à ces présidents d’apporter leur expertise locale.
Le Sénat a précisé en séance publique, par un amendement de M. François Pillet (rattaché au groupe Les Républicains, Cher) au nom de la commission spéciale, la nouvelle procédure de cession forcée des titres des actionnaires opposés à un plan de redressement judiciaire prévoyant l’entrée au capital de nouveaux actionnaires pour exécuter le plan.
L’amendement précise que le tribunal peut ordonner la cession d’une partie seulement des titres des actionnaires qui se sont opposés au plan de redressement. En effet, la cession n’est pas une sanction prononcée à l’encontre de ces actionnaires, mais une procédure permettant d’assurer l’entrée au capital des personnes qui se sont engagées à exécuter le plan. Dans ces conditions, la cession d’une partie seulement des titres peut être suffisante. En second lieu l’amendement s’en tient à une fixation du prix à dire d’expert, reprenant à l’identique la formulation du code de commerce en cas de cession ordonnée par le tribunal des parts détenues par les dirigeants de l’entreprise lorsque le remplacement de ceux-ci est requis par le tribunal. En troisième lieu, il prévoit explicitement que le tribunal statue sur la valeur des parts, à l’issue du délai qu’il a fixé par le tribunal pour l’expertise, conformément à la logique du texte tel que modifié par la commission, qui a dissocié la décision initiale de principe sur la cession des parts, laquelle doit pouvoir intervenir rapidement, de la détermination ultérieure du prix de cession versé aux actionnaires évincés. Enfin, en cas de défaillance des nouveaux actionnaires dans la mise en œuvre du plan de redressement, l’amendement précise que le président du tribunal peut, à la demande du commissaire à l’exécution du plan, leur enjoindre d’exécuter leurs engagements, outre la possibilité pour le tribunal de prononcer la résolution du plan, à la demande notamment du ministère public et du même commissaire à l’exécution du plan.
Au titre III relatif au travail, le Sénat a examiné le 4 mai 2015, les dispositions relatives au travail dominical.
Il a adopté l’article 71 qui fixe une durée maximale de trois ans pour les dérogations individuelles ou sectorielles au repos dominical accordées par le préfet.
Il a rejeté, par 32 voix pour et 307 voix contre, cinq amendements de suppression de l’article 72 relatif aux dérogations au repos dominical dans les zones touristiques internationales.
Il a adopté l’article 72 relatif aux zones touristiques internationales modifié par un amendement du gouvernement visant à rétablir l’évaluation ex-post de la création de ces nouvelles zones après trois ans. Le gouvernement considère que l’évaluation doit permettre de confirmer l’impact économique de l’ouverture dominicale des commerces dans ces zones en matière de chiffres d’affaire et d’emplois et l’impact social du dispositif, notamment en termes de compensations, de prise en compte de la situation individuelle des salariés, de l’exercice du volontariat.
Il a adopté, sans modification, l’article 73 qui permet aux établissements situés dans des zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes d’ouvrir le dimanche.
Il a adopté, sans modification, l’article 74 qui supprime les périmètres d’usage de consommation exceptionnel (PUCE) issus de la loi du 10 août 2009, dite loi “Mallié” et autorise les commerces situés dans les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande particulièrement importantes à ouvrir le dimanche.
Il a adopté l’article 75 relatif aux modalités de définition des zones touristiques et des zones commerciales. En séance, les sénateurs ont adopté un amendement de Mme Catherine Deroche (Les Républicains, Maine-et-Loire) qui précise que l’avis des organismes dont la consultation par le préfet est obligatoire soit réputé donné au bout de deux mois à compter de leur saisine lorsqu’il s’agit d’une demande de délimitation d’une zone nouvelle et d’un mois pour la modification des zones. Cet amendement vise à tenir compte des cas où l’un des organismes, dont la consultation par le préfet est obligatoire avant de définir ou de modifier une zone commerciale ou une zone touristique, tarderait à rendre l’avis qui lui est demandé. Alors que l’Assemblée nationale a encadré le délai auquel est tenu le préfet pour statuer, l’auteur de l’amendement propose que l’avis de ces organismes (conseil municipal, partenaires sociaux, EPCI) soit réputé donné au bout de deux mois à compter de leur saisine lorsqu’il s’agit d’une demande de délimitation d’une zone nouvelle et d’un mois pour la modification des zones existantes.
Il a adopté l’article 76 modifié par un amendement tendant à préciser que le principe des accords collectifs permettant le travail dominical s’applique aux commerces situés dans les gares, un autre amendement relatif au recours aux accords de groupe pour définir les compensations accordées aux salariés privés et un autre amendement tendant à inscrire dans la loi le fait que tous les accords devront permettre au salarié de percevoir une indemnité plus importante que le reste de la semaine, et/ou lui ouvriront la voie à un repos compensateur afin d’éviter certaines dérives lors des négociations.
Il a également adopté l’article 77 relatif au volontariat des salariés travaillant le dimanche, l’article 78 relatif à l’ouverture dominicale des commerces de détail alimentaire dans les zones touristiques internationales et les gares après 13 heures et l’article 79 qui autorise les commerces présents dans certaines gares à ouvrir le dimanche.
Il a adopté l’article 80 relatif à l’extension du nombre de “dimanches du maire” durant lesquels les commerces de la commune peuvent être ouverts. Le texte adopté fixe ce nombre à douze. Le Sénat a adopté plusieurs amendements, l’un de M. Philippe Dominati (Les Républicains, Paris) visant notamment à simplifier la procédure de justification d’ouverture dominicale, l’autre de Mme Catherine Deroche ayant pour objet d’éviter toute manœuvre d’obstruction de la part des EPCI qui doivent être consultés pour toute ouverture à compter du sixième dimanche en indiquant qu’à défaut de délibération dans les deux mois, l’avis de l’EPCI est réputé favorable.
Il a adopté l’article 81 relatif au travail en soirée dans les zones touristiques internationales en élargissant les zones susceptibles de bénéficier de la possibilité de ce travail de nuit en ajoutant aux “zones touristiques internationales”, les “zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes” (amendement de M. Pierre Charon, Les Républicains, Paris).
Il a adopté l’article 82 qui fixe les modalités d’entrée en vigueur des différents aspects de la réforme du travail dominical modifié par un amendement du gouvernement qui vise à permettre, dès 2015, aux maires qui le souhaitent, de disposer d’un nombre supplémentaire de dimanches à désigner dans le cadre des “dimanches du maire”. En effet, l’article 80 modifiant le dispositif des “dimanches du maire”, n’entrera en application qu’au titre de l’année 2016.
Les 6, 7 et 11 mai 2015, le Sénat a poursuivi l’examen des articles du titre III adoptant l’article 83 réformant la juridiction prud’homale.
Il a inséré par un amendement de M. Roger Karoutchi (Les Républicains, Hauts-de-Seine) un article additionnel après l’article 86 visant à instaurer trois jours de carence pour les agents de la fonction publique hospitalière, territoriale et d’État en cas d’arrêt maladie. Selon l’auteur de l’amendement “l’instauration du jour de carence en 2011 avait pour objectif de “faire converger les règles applicables dans le secteur privé et le secteur public” et a “permis de réaliser 60 millions d’euros d’économies.” L’instauration de trois jours de carence « pourrait donc permettre a minima la réalisation de 180 millions d’économies.”
Il a créé un article additionnel après l’article 86 et qui porte de 5 à 20 % le taux de la taxe sur la revente de fréquences d’émissions des éditeurs de radio et de télévision, si cette revente intervient dans les cinq ans suivant la délivrance de la première autorisation d’émettre. “Afin de prévenir la spéculation, la loi de finances rectificative pour 2013 a instauré une taxe sur la revente de ces fréquences. Cette taxe ne semble pas avoir eu l’effet dissuasif escompté : un projet de cession de chaîne de la TNT est sur le point d’aboutir, à peine deux ans et demi après sa création” a rappelé Mme Dominique Estrosi-Sassone.
Le Sénat a adopté l’article 87A qui lisse les effets de seuils auxquels sont soumises les entreprises : la mise en place de délégués du personnel devient obligatoire à partir de 21 salariés au lieu de 11 actuellement.
Le Sénat a également demandé l’institution d’une commission chargée de la réforme et de la simplification du code du travail afin, notamment, de donner une plus grande place aux accords collectifs dans la détermination des règles d’application des principes généraux du droit du travail (article 86 quater). Il a abrogé les emplois jeunes, supprimant ainsi dix-neuf articles du code du travail (article 94 bis A).
Le Sénat a adopté :
- l’article 95 qui relève de 10 000 à 500 000 euros le plafond de sanction administrative en cas de violation des règles relatives à la déclaration préalable de détachement des travailleurs ;
- l’article 96 qui instaure une décision administrative d’arrêt d’activité pour les prestataires étrangers ayant détaché des salariés en cas de manquement grave à l’ordre public social ;
- l’article 97 qui rend obligatoire la délivrance d’une carte d’identification professionnelle à chaque salarié effectuant des travaux de bâtiment ou de travaux publics.
Le Sénat a également adopté, contre l’avis du gouvernement, dans la rédaction proposée par sa commission spéciale, l’article 97 quinquies qui simplifie le compte personnel de prévention de la pénibilité introduit par la réforme des retraites de 2014. Il a supprimé la fiche individuelle retraçant l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité et inscrit dans la loi les trois seuls facteurs pour lesquels des modalités opérationnelles de mesure de l’exposition ont été définies : le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes et le travail en milieu hyperbare. Mme Catherine Deroche a considéré que “la fiche individuelle retraçant l’exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité constitue une tâche bureaucratique que la très grande majorité des entreprises, dès lors qu’elles ne disposent pas d’un service de ressources dédié, ne sont pas en capacité de remplir, en particulier pour les plus petites”. Mme Eliane Assassi (Seine-Saint-Denis, présidente du groupe CRC) a déclaré : “Cet article est une véritable attaque des droits des travailleurs exerçant des métiers pénibles et dangereux.” “La volonté à peine voilée de supprimer la responsabilité des employeurs sur les conditions de travail des travailleurs n’est pas acceptable.”
Il a inséré par un amendement de Mme Pascale Gruny (Les Républicains, Aisne) un article additionnel après l’article 98 A qui prévoit la création d’un contrat de mission de droit commun sous la forme d’un CDI à rupture pré-causée qui prendrait fin une fois le projet pour lequel la personne a été embauchée effectivement réalisé.
Il a apporté des précisions à la définition du licenciement pour motif économique. Il a tout d’abord consacré dans la loi un motif reconnu de longue date par la Cour de Cassation : la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise. Il a aussi souhaité déterminer le périmètre d’appréciation – entreprise ou groupe – du motif économique de licenciement (après l’article 103 bis).
Il a inséré par un amendement de Mme Danièle Gilot (Socialiste, Val-d’Oise) un article additionnel après l’article 104 qui vise à ouvrir le droit pour les étudiants salariés, à un crédit congé formation de cinq jours ouvrables par semestre universitaire, effectué dans le mois précédant les épreuves, et donnant droit au maintien du salaire.
Il a inséré par un amendement de M. Philippe Adnot (non rattaché à un groupe, Aube) un article additionnel qui instaure une dérogation portant de six à douze mois la durée de stage en milieu professionnel pour les étudiants préparant des diplômes de grade de Master.
Il a adopté, par amendements du gouvernement sous-amendés par M. Jean-Claude Lenoir (Les Républicains, Orne) et Mme Nicole Bricq (Socialiste, Seine-et-Marne), plusieurs articles additionnels relatifs aux chambres de commerce et d’industrie. Il a donné son accord à la stratégie régionale du réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) pour plus d’efficacité, en lui donnant une valeur contraignante ainsi qu’à l’adaptation du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat à la réforme de l’organisation territoriale et la nouvelle délimitation des régions.
Le projet de loi initial comportait 106 articles. À l’issue des travaux des deux assemblées, il en comptait 405. Si l’on tient compte des 90 adoptions ou suppressions conformes, 315 articles restaient en discussion. Sur ces 315 articles, 654 amendements ont été déposés, dont 55 par le gouvernement, 224 – soit un peu plus d’un tiers – par les rapporteurs, 135 par le groupe Les Républicains, 101 par le groupe Socialiste, républicain et citoyen, 87 par le groupe Écologiste, 32 par le groupe Union des démocrates et indépendants, 20 par le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste et aucun par le groupe Gauche démocrate et républicaine. Près de la moitié des amendements portaient sur le titre Ier.
Echec de la commission mixte paritaire réunie au Sénat le mercredi 3 juin 2015.
“Cet échec ne signifie pas que les positions des deux assemblées soient diamétralement opposées sur l’ensemble du texte”, a constaté M. François Brottes le 8 juin 2015 lors de l’examen, en nouvelle lecture, du projet de loi par la commission spéciale.
En commission spéciale M. Emmanuel Macron a estimé que “le projet de loi a été éclairé par les débats du Sénat. Celui-ci a adopté 88 articles sans modification. Il faut souligner ces convergences, car ce sont autant de débats que nous ne rouvrirons pas : les zones touristiques, les zones commerciales, les zones touristiques internationales pour ce qui concerne le travail du dimanche, le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), Nexter, le régime des impatriés, les articles 98 à 102.” Il a constaté que “Le Sénat a aussi ajouté 103 articles, en a supprimé 72 et modifié 140 : ce sont eux qui vont nous occuper. La situation des professions réglementées fait notamment l’objet de nombreux amendements : on voit là s’exprimer de vraies différences de sensibilité. Notre cheminement collectif a en tout cas permis, je crois, de préciser des idées et de sécuriser certains dispositifs – je pense à la liberté d’installation ou aux tarifs, ou encore à l’évolution des formes d’exercice. Pour ce qui est de la mobilité, le texte a été affaibli, qu’il s’agisse des autocars comme du permis de conduire ; il me paraît important d’en retrouver toute l’ambition première.”
Mme Jacqueline Fraysse, en revanche, a rappelé “l’hostilité, déjà vigoureusement exprimée en première lecture, du groupe Gauche démocrate et républicaine au contenu de ce texte, illustration de la dérive ultralibérale que chacun peut constater et que nous ne sommes pas seuls à dénoncer – au point que le gouvernement a dû utiliser l’article 49, alinéa 3 de la Constitution pour le faire adopter. Comme c’était prévisible, la majorité de droite du Sénat s’est engouffrée dans les brèches ainsi ouvertes pour aller plus loin encore dans la régression sociale : travail du dimanche sans contrepartie dans les entreprises de moins de onze salariés, ouverture des enseignes culturelles le dimanche sans recours au volontariat ni majoration de salaire, remise en cause du compte pénibilité…”
M. Jean-Louis Roumegas (écologiste, Hérault) a critiqué le “projet de loi très controversé, qui prétend moderniser l’économie pour renouer avec une croissance durable.” Il a constaté que “Le Sénat avait pour l’essentiel aggravé la dérégulation sociale et environnementale mise en œuvre par le texte, tout en accentuant son caractère fourre-tout. Le groupe Écologiste n’est pas opposé à la simplification ; mais celle-ci ne doit pas constituer un prétexte à une régression en matière d’environnement, de droit du travail, de transport public ou de logement social.”
L’Assemblée nationale devait examiner le projet de loi en nouvelle lecture à partir du 16 juin 2015. Mais le Premier ministre a d’emblée, sans que commence la discussion en nouvelle lecture, engagé la responsabilité du gouvernement sur le fondement de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. : “Le pays a besoin de réformes. Le pays a besoin d’avancer. Il a besoin que nous soutenions la croissance, la compétitivité, ainsi que les petites et les moyennes entreprises parce que ce sont elles qui créent de la croissance, de la richesse et donc de l’emploi. L’article 49, alinéa 3, de la Constitution a été utilisé en première lecture, a-t-il rappelé, au terme d’un débat sans précédent, d’une co-production législative entre le Parlement, notamment la commission spéciale, et le gouvernement, travail encore prolongé la semaine dernière” en commission.
“C’est le rouleau compresseur ! Vous devriez retourner devant le peuple !” a lancé M. André Chassaigne (GDR, Puy-de-Dôme).
La responsabilité a été engagée sur le texte adopté par la commission spéciale de l’Assemblée nationale le 11 juin 2015 et modifié par les amendements, essentiellement rédactionnels et de coordination, des rapporteurs.
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont quitté l’hémicycle.
M. Christian Jacob a considéré que l’absence de majorité révélait “l’incapacité du gouvernement à engager les réformes structurelles nécessaires”. L’Assemblée a rejeté le 18 juin 2015 la motion de censure déposée par MM. Christian Jacob, Philippe Vigier et 146 membres de l’Assemblée. 198 députés ont voté en faveur de cette motion, la majorité requise étant de 289. En conséquence, le projet de loi, sur lequel le Premier ministre avait engagé la responsabilité de gouvernement, est considéré comme adopté en nouvelle lecture. 37 députés du groupe Les Républicains et 6 députés de l’UDI n’ont pas voté la motion de censure. En revanche 9 des 15 députés GDR, Communistes et Front de gauche l’ont votée. Seule du groupe des écologistes, Mme Isabelle Attard a voté la motion de censure ainsi que 3 non-inscrits, Mme Véronique Besse, M. Gilbert Collard et Mme Marion Maréchal-Le Pen.
Jean Lalloy, chroniqueur