La proposition de loi de Mme Michelle Meunier (sénatrice socialiste, Loire-Atlantique) et de Mme Muguette Dini (UDI-UC, Rhône) a pour objet d’améliorer la connaissance des parcours des publics, des dispositifs mis en œuvre ainsi que la coordination nationale de la protection de l’enfant afin d’harmoniser les réponses adoptées sur l’ensemble du territoire national.
L’intérêt de l’enfant au coeur du dispositif de protection de l’enfance.
Elle précise les modalités de prise en compte et de traitement des informations préoccupantes.
Elle incite également à rechercher, pour chaque enfant dont le retour dans son milieu familial est impossible, une solution d’accueil qui lui apporte une stabilité affective durable, indispensable à son éducation et à son épanouissement personnel. Le placement auprès d’un tiers digne de confiance pourrait être davantage développé. De même, l’adoption simple pourrait, à condition de la sécuriser davantage, répondre à certaines de ces situations. Par ailleurs, dans les cas où la rupture définitive avec la famille est nécessaire, il convient, selon les auteurs de la proposition de loi, de raccourcir au maximum les délais pour constater le délaissement parental ou la maltraitance active afin d’offrir, dès que possible, un autre environnement familial à l’enfant par une adoption plénière par exemple.
Pour les enfants qui relèvent de l’assistance éducative, les dispositions contenues dans la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs doivent être appliquées partout qu’il s’agisse du projet pour l’enfant ou du rapport annuel de situation. Des dispositions précisent les modalités de prise en compte de la parole de l’enfant, de celle de sa famille, des professionnels du lieu d’accueil ainsi que les modalités de gestion des actes de la vie courante et d’information lorsqu’un changement de prise en charge s’annonce pour l’enfant. Un administrateur ad hoc devra être nommé plus systématiquement pour défendre les intérêts du mineur.
Cette proposition de loi qui complète la loi précitée a pour objectif de rappeler que, dans tous les cas, l’intérêt de l’enfant doit être la préoccupation centrale du dispositif de protection de l’enfance.
Première lecture au Sénat
Rapporteur au Sénat : Mme Michelle Meunier (socialiste, Loire-Atlantique) et rapporteur pour avis M. François Pillet (LR, Cher).
Adoption en première lecture par le Sénat le 11 mars 2015.
Le Sénat a supprimé les dispositions relatives à la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance les auteurs de l’amendement estimant illusoire qu’une nouvelle instance nationale pilote ce dispositif décentralisé, relevant de la compétence des départements depuis plus de trente ans.
Il a adopté les dispositions confiant aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance une mission supplémentaire, relative aux programmes de formation continue des professionnels de la protection de l’enfance.
Il a adopté un amendement du gouvernement insérant un article additionnel qui ajoute dans les missions de l’Aide sociale à l’enfance la mission de veiller à la stabilité du parcours de l’enfant.
Il a adopté les dispositions précisant le contenu et les modalités d’élaboration du projet pour l’enfant (PPE).
Il a adopté une nouvelle rédaction des dispositions relatives à la mise en place d’une obligation de suivi médical, psychologique et éducatif en cas de reconnaissance d’un enfant né sous le secret afin de préciser qu’il relève de la responsabilité du président du Conseil général de proposer, dans l’intérêt de l’enfant, un accompagnement du parent auquel il est restitué un enfant né sous le secret ou devenu pupille de l’État.
Il a inséré un article additionnel relatif aux enfants recueillis en kafala.
Il a supprimé l’article qui introduisait l’inceste dans le code pénal, les sénateurs ayant estimé qu’il y avait un risque de censure constitutionnelle.
Première lecture à l’Assemblée nationale
Rapporteur à l’Assemblée nationale : Mme Annie Le Houérou (SRC, Côtes-d’Armor) et rapporteur pour avis Mme Marie-Anne Chapdelaine (SRC, Ille-et-Vilaine).
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 12 mai 2015.
L’Assemblée nationale a enrichi le texte de trente-et-un articles additionnels dont douze du gouvernement.
Le président du conseil départemental peut aujourd’hui décider de confier l’enfant dont il a la responsabilité sur un fondement autre que l’assistance éducative à un tiers bénévole plutôt que de le placer au sein d’un établissement. Un article additionnel introduit par le gouvernement tend à donner une base juridique claire afin de lever les réticences des services départementaux et de sécuriser le placement de l’enfant auprès d’un tiers.
L’article 11 bis complète ce dispositif en harmonisant la durée maximale d’une mesure d’assistance éducative décidée par le juge, fixée à deux ans qu’il s’agisse d’un placement auprès d’un service ou d’une institution ou auprès d’une personne physique.
Afin de revoir la place de l’adoption dans les outils de protection de l’enfance l’article 13 bis remet en cause le principe selon lequel tous les enfants admis en qualité de pupille de l’État doivent faire l’objet d’un projet d’adoption, laissant la possibilité de prévoir un autre projet de vie. Cette réflexion sur l’adoption se complète du rétablissement de l’article 12 relatif à la révocabilité de l’adoption simple. Enfin, les députés ont souhaité rendre applicable aux procédures fiscales en cours l’alignement des droits de transmission entre adoptant et adopté sur celui applicable aux transmissions en ligne directe, prévu par l’article 16.
Des dispositions ajoutées par l’Assemblée nationale visent également à réduire les possibilités que la situation de danger dans laquelle se trouve un enfant puisse ne pas être identifiée et traitée par les services sociaux ou judiciaires. Il en est ainsi de la prise en compte des éventuels frères et sœurs lorsque la situation d’un enfant est évaluée en raison de la transmission d’informations préoccupantes. Dans le même esprit, l’Assemblée a souhaité améliorer les échanges d’informations entre les services départementaux de départements différents et entre services départementaux et caisses de Sécurité sociale. Sans remettre en question la responsabilité du président du conseil départemental, l’article 2 bis prévoit une information du préfet en cas de survenance d’évènements mettant en danger des mineurs placés dans des établissements autorisés par le président du conseil départemental.
Le gouvernement a souhaité introduire deux articles visant à sécuriser juridiquement le protocole de mai 2013 visant à organiser les modalités d’accueil des mineurs isolés étrangers et du financement de leur prise en charge afin de donner une base légale à une circulaire du 31 mai 2013 de la garde des Sceaux prévoyant une clé de répartition basée sur des critères démographiques afin d’éclairer les juges amenés à décider de l’orientation de ces jeunes.
Les tests osseux pour déterminer l’âge d’une personne pouvant apparaître comme une atteinte dégradante à la dignité des jeunes concernés ne pourront plus être pratiqués que sur décision de justice et avec l’accord de la personne concernée.
Trois articles ont été ajoutés par l’Assemblée nationale afin d’accompagner l’accès à l’autonomie des jeunes sortant des dispositifs d’aide à l’enfance. Un article prévoit le versement de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) due au titre d’un enfant confié à un service de l’aide sociale à l’enfance sur un compte bloqué dont la gestion est confiée à la Caisse des dépôts et consignations. Un autre article vise, sans imposer de charges nouvelles pour les départements, à améliorer et à harmoniser le suivi des jeunes pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance à leur majorité en prévoyant l’élaboration d’un projet d’accès à l’autonomie pour chaque jeune ainsi qu’un accompagnement lui permettant de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée. Un autre article prévoit l’élaboration d’un protocole départemental organisant le partenariat entre les différents acteurs concourant à préparer l’accès à l’autonomie des jeunes sortant des dispositifs d’aide à l’enfance.
L’Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement du gouvernement modifiant la rédaction proposée par un amendement de M. Dominique Potier (SRC, Meurthe-et-Moselle) relatif à l’entretien systématique psychosocial organisé au cours du quatrième mois de grossesse dans le cadre de la protection maternelle et infantile (PMI) adopté en commission. L’entretien en question, désigné comme un “entretien prénatal précoce” devra toujours être organisé au cours du quatrième mois de la grossesse.
Nouvelles lectures au Sénat et à l’Assemblée nationale avant l’adoption définitive
Adoption en deuxième lecture par le Sénat le 13 octobre 2015.
Le Sénat a supprimé le Conseil national de protection de l’enfance.
Il a étendu à l’ensemble des professionnels de santé et non pas seulement aux médecins, la fonction de référent dans chaque département, afin de répondre aux difficultés rencontrées par certains départements, compte tenu de la démographie médicale, à recruter un médecin.
Il a supprimé l’article qui dispose que les jeunes majeurs pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance se voient proposer un accompagnement afin de leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée, les auteurs de l’amendement estimant en effet que la prise en charge des majeurs relèvent de l’État et non du département.
Il a souhaité comme en première lecture que le versement de l’allocation de rentrée scolaire due au titre d’un enfant placé soit fait au bénéfice du service auprès duquel il est confié, et non sur un compte bloqué à la Caisse des dépôts et consignations.
Il a supprimé l’article qui précise que la décision du juge aux affaires familiales relative à l’organisation d’un droit de visite dans un espace de rencontre spécifique doit être spécialement motivée ainsi que la précision selon laquelle la suspension provisoire de tout ou partie de l’exercice du droit de correspondance ou du droit de visite et d’hébergement des parents de l’enfant placé peut notamment être prononcée par le juge dans les situations de violences commises par l’un des parents sur la personne de l’autre parent ou de l’enfant.
Il a supprimé l’examen annuel du projet pour l’enfant par une commission pluridisciplinaire. Les auteurs de l’amendement considèrent en effet que ce dispositif va entraîner une asphyxie des services et risque de ralentir les procédures et de créer une charge supplémentaire pour les conseils départementaux.
Il a conservé, pour l’audition de l’enfant au cours de la procédure d’adoption qui le concerne, le seul critère de sa capacité de discernement.
Il a donné à l’administration fiscale la possibilité exceptionnelle de remettre gracieusement des droits d’enregistrement, dans les cas où le décès de l’adoptant est intervenu avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Cette possibilité ne porte que sur les personnes qui, après contrôle de l’administration, ne peuvent pas payer, parce qu’elles sont surendettées : elles ont fait l’objet d’un redressement pendant leur minorité, alors qu’elles ne peuvent être tenues pour responsables, parce qu’elles étaient mineures à l’époque des faits.
Il a décidé qu’est considéré comme juridiquement délaissé par ses parents, l’enfant dont les parents n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l’année qui précède l’introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit.
Il a réservé au service de l’Aide sociale à l’enfance l’action en retrait d’autorité parentale.
Il a maintenu, s’agissant de l’introduction de la notion d’inceste dans le code pénal, la définition adoptée en commission des affaires sociales en deuxième lecture qui supprime la condition d’autorité de droit ou de fait pour les membres de la famille visés par le texte ; il a exclu de la qualification d’inceste les actes commis par le tuteur ou le délégataire de l’autorité parentale et exclut les anciens conjoints, concubins ou partenaires des personnes visées.
Il a remplacé la fixation par le ministère de la Justice d’objectifs de répartition sur le territoire des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille par une évaluation des capacités d’accueil de chaque.
Adoption en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 18 novembre 2015.
L’Assemblée nationale a précisé, à l’article relatif à la définition et aux objectifs de la protection de l’enfance, que les modalités de mise en œuvre des décisions de protection de l’enfance doivent être objectivées par des visites impératives au sein des lieux de vie de l’enfant et en sa présence.
Elle a adopté un amendement à l’article relatif à l’alignement du régime d’imposition des transmissions à titre gratuit entre adoptant et adopté sur le régime applicable aux transmissions en ligne directe. L’amendement tend à rendre partiellement rétroactive la modification apportée au régime des droits de mutation pour l’enfant adopté dont l’adoptant décède au temps de sa minorité. Selon M. Denys Robiliard (SRC, Cher) “il s’agit qu’à partir du moment où la loi entre en vigueur, et quelle que soit la date du décès de l’adoptant, les adoptés simples puissent bénéficier d’un même et unique régime”.
L’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à ramener à deux ans pour les jeunes qui contractent un engagement citoyen – un service civique en métropole ou une autre forme d’engagement citoyen – la période d’accueil dans une famille française d’un mineur étranger pour qu’ils puissent solliciter l’accès à la nationalité française.
Jean Lalloy, chroniqueur