Le projet de loi vise à simplifier le droit au séjour des étrangers en France en généralisant le titre de séjour pluriannuel pour l’ensemble des étrangers, après un an de séjour en France. On enregistre 5 millions de passages par an en préfecture, pour 2,5 millions d’étrangers titulaires d’un titre de séjour.
L’intégration devrait être améliorée par un renforcement du niveau de langue requis et une redéfinition des prestations servies par l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
Conformément aux engagements pris lors du Conseil stratégique de l’attractivité, et afin de renforcer la position de la France dans l’accueil des mobilités internationales de l’excellence, de la création et de la connaissance, le passeport “talents”, titre de séjour valable jusqu’à quatre ans pour l’étranger et sa famille, constituera le titre unique ouvert aux investisseurs, aux chercheurs, aux artistes et aux salariés qualifiés. Des simplifications importantes pour favoriser l’emploi des étudiants étrangers qualifiés sont également mises en œuvre.
Le projet de loi vise aussi à clarifier les conditions d’exercice de certains droits essentiels. Il prévoit, pour la première fois, un droit à l’accès des journalistes dans les centres de rétention et les zones d’attente. Il précise, dans un sens plus protecteur, le droit au séjour des étrangers malades, notamment en prenant en compte la capacité du système de soins du pays d’origine à faire bénéficier l’étranger du traitement que sa pathologie requiert.
Afin de renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière le projet de loi fait de l’assignation à résidence la mesure de droit commun en matière de privation de liberté des étrangers, tout en précisant et encadrant les pouvoirs des forces de l’ordre dans ce cadre. Les pénalités dues par les transporteurs qui ne respectent pas leurs obligations de contrôle sont accrues.
Rapporteur à l’Assemblée nationale : M. Erwann Binet (SRC, Finistère) et rapporteurs pour avis : Mme Valérie Corre (SRC, Loiret), commission des affaires culturelles, et M. Kader Arif (SRC, Haute-Garonne), commission des affaires étrangères.
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 23 juillet 2015.
Selon M. Erwann Binet “notre encadrement législatif impose aux étrangers en situation régulière un mouvement perpétuel de démarches administratives qui ne leur permet pas de se projeter dans notre pays au-delà de quelques mois, ni par conséquent de s’intégrer dans la société française. (Les files d’attente interminables devant nos préfectures) donnent l’impression que la France ne se reconnaît pas, ne se vit pas, ne s’assume pas comme un pays d’immigration”. Il a considéré qu’avec la carte pluriannuelle “nous donnons aux étrangers qui ont vocation à rester sur notre territoire pour une durée plus ou moins longue une perspective, une capacité à se projeter au-delà de quelques mois ».
M. Eric Ciotti (Les Républicains, Alpes-Maritimes) a dénoncé un “angélisme stupide” et M. Guillaume Larrivé (Les Républicains, Yonne) “une gauche immigrationniste”. Celui-ci a défendu les quotas d’immigration, après avoir déploré une “augmentation de 55 % du regroupement familial stricto sensu” depuis 2011, ce qu’a contesté M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Le ministre a rappelé que la France accueille 200 000 nouveaux immigrants réguliers par an, soit 0,3 % de sa population, un des chiffres les plus faibles de l’OCDE. Il a indiqué que la moitié de ces immigrés sont là pour des raisons familiales (dont 40 000 conjoints de Français), 60 000 pour des études, 20 000 pour des raisons humanitaires et autant dans un but professionnel. Il a réfuté des mesures proposées par l’opposition “déjà mises en œuvre par le passé ou auxquelles (celle-ci a) renoncé faute de pouvoir les mettre en œuvre”.
M. Thierry Mariani, comme d’autres députés de l’opposition, a demandé un renforcement de la formation linguistique. “Demander aux étrangers de maîtriser notre langue, de connaître notre culture, de partager nos valeurs, de témoigner d’un ancrage réel dans la communauté nationale afin de devenir Français n’(a) rien de discriminatoire” et M. Guillaume Larrivé qu’un parcours d’intégration soit réalisé avant même l’arrivée des immigrés sur notre territoire.
L’Assemblée nationale a adopté une disposition donnant droit aux étrangers de venir se faire soigner en France non seulement si le traitement est absent chez lui, mais également s’il ne peut y avoir accès effectivement. Elle a adopté un amendement de M. Erwann Binet relatif au titre provisoire de séjour pouvant être délivré aux deux parents au lieu d’un seul d’un enfant malade étranger soigné en France.
L’Assemblée nationale a adopté le titre de séjour pluriannuel, d’une validité de deux à quatre ans, accordé après un premier titre d’un an ce qui devrait permettre, selon M. Erwann Binet, d’éviter aux étrangers en règle une dizaine de passages par an en préfecture. L’Assemblée nationale a adopté un amendement permettant de déroger à la justification d’assiduité et de sérieux de la participation de l’étranger aux formations prescrites par l’Etat dans le cadre d’un contrat d’intégration comme condition d’obtention du titre de séjour pluriannuel. L’amendement permet de déroger à l’exigence d’assiduité en cas de circonstances exceptionnelles. L’Assemblée a rejeté un amendement de M. Pascal Cherki (SRC, Paris) visant à supprimer les conditions d’assiduité et de sérieux jugées selon lui juridiquement incertaines ainsi qu’un amendement du groupe Les Républicains exigeant de l’étranger, demandeur du titre de séjour pluriannuel, le perfectionnement de sa formation linguistique, le respect des valeurs de la République et la capacité à exercer une activité professionnelle.
L’Assemblée nationale a adopté la disposition du texte modifié en commission permettant l’obtention de la carte de résident par les titulaires du titre pluriannuel, parents d’enfants français ou conjoints de Français.
L’Assemblée nationale a aussi adopté le passeport-talents de quatre ans remplaçant plusieurs titres réservés aux étrangers qualifiés ou ayant une compétence particulière.
Après le vote sur l’ensemble du projet de loi, M. Bernard Cazeneuve a déclaré “tous les débats qui visent à attiser les peurs pour susciter du ressentiment ou de la haine nous éloignent de la République”.
Jean Lalloy, chroniqueur