Le 16 novembre 2015, trois jours après les terribles attentats qui ont secoué la France, le président de la République, M. François Hollande s’est exprimé devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles.
Appliquant l’article 18 de la Constitution qui permet, depuis 2008, au président de la République de s’exprimer de vive voix devant le parlement réunis en Congrès, M. François hollande a prononcé d’un ton solennel et martial un discours d’une quarantaine de minutes.
Il a déclaré que “les tueurs qui viennent de frapper la France au cœur avaient pour cible notre État de droit et le cosmopolitisme affirmé de notre société. Face à une telle menace des soldats du fascisme religieux, il était nécessaire que nous nous dotions de moyens renforcés pour les empêcher de nuire à nouveau.”
M. François Hollande a affirmé sa détermination à “détruire Daech”. “Nous faisons face à une organisation, Daech, disposant d’une assise territoriale, de ressources financières et de capacités militaires. Depuis le début de l’année, cette organisation a notamment frappé à Paris, au Danemark, en Tunisie, en Égypte, au Liban, au Koweït, en Arabie Saoudite, en Turquie, en Libye. Elle massacre chaque jour et opprime des populations. C’est la raison pour laquelle la nécessité de détruire Daech est un sujet qui concerne toute la communauté internationale.”
Il a annoncé le dépôt d’un projet de loi “prolongeant l’état d’urgence pour trois mois et adaptant son contenu à l’évolution des technologies et des menaces”, après avoir décrété l’état d’urgence le vendredi 13 novembre, peu après la commission des attentats de Paris.
Il a proposé une révision de la Constitution afin de “permettre aux pouvoirs publics d’agir, conformément à l’état de droit, contre le terrorisme de guerre”. Il convient d’introduire “un outil approprié pour fonder la prise de mesures exceptionnelles pour une certaine durée sans recourir à l’état d’urgence et sans compromettre l’exercice des libertés publiques”. La révision de la Constitution devrait aussi comprendre “la déchéance de la nationalité française” des personnes ayant participé à un acte de terrorisme, même si elles sont nées françaises, lorsqu’elles ont une autre nationalité. En effet, selon les dispositions de l’article 25 du Code civil, “l’individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’État, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride.”
Il a demandé “d’interdire à un binational de revenir sur notre territoire, s’il représente un risque terroriste, sauf à ce qu’il se soumette […] à un dispositif draconien”. “Nous devons pouvoir expulser plus rapidement les étrangers qui représentent une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public et la sécurité de la Nation.”
Le président de la République a également annoncé un renforcement substantiel des moyens de la justice et des forces de sécurité. “Les services d’enquête et les magistrats antiterroristes doivent pouvoir recourir à tout l’éventail des techniques du renseignement qu’offrent les nouvelles technologies, et dont l’utilisation est autorisée dans un cadre administratif par la nouvelle loi sur le renseignement. “Les magistrats doivent avoir accès aux moyens d’enquête les plus sophistiqués pour lutter notamment contre les trafics d’armes, car ce sont avec les armes du banditisme que les actes terroristes sont commis.” M. François Hollande a indiqué que “la question de la légitime défense des policiers et des conditions dans lesquelles ils peuvent faire usage de leur arme devra être traitée, toujours dans le cadre de l’état de droit.” Il s’agit d’examiner “sans délai” les projets de loi correspondants afin de “ne perdre plus aucune minute dans l’action engagée”. M. Hollande a annoncé la création en deux ans de 5 000 emplois supplémentaires dans la police et la gendarmerie, ce qui permettra “de restaurer le potentiel des forces de sécurité intérieure au niveau de 2007”, de 2 500 postes supplémentaires au ministère de la Justice et de 1 000 postes dans les douanes. Il a également annoncé la suspension de toutes les réductions d’effectifs dans les armées jusqu’en 2019. “Cette réorganisation de nos armées se fera au bénéfice des unités opérationnelles, de la cyberdéfense et du renseignement.” “Dans ces circonstances, je considère que le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité.”
Le président de la République a déclaré qu’il avait demandé la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies en vue d’adopter une résolution sur la lutte contre le terrorisme : “La nécessité de détruire Daech constitue un sujet qui concerne toute la communauté internationale.” Il a annoncé l’intensification des opérations de la France en Syrie ainsi qu’un triplement des moyens d’action dans la région. “Les terroristes doivent savoir que leurs cimes, loin de nous faire plier, renforcent encore notre détermination à les détruire.” Le Président syrien Bachar Al-Assad “ne peut constituer l’issue mais notre ennemi en Syrie, c’est Daech”. “Il ne s’agit pas de contenir, mais de détruire cette organisation.”
Le chef de l’État a indiqué qu’il avait demandé à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, de saisir ses collègues européens au titre de l’article 42.7 du Traité de l’Union, stipulant que “lorsqu’un État est agressé tous les États membres doivent lui apporter solidarité face à cette agression.”
Il a demandé “la mise en place de contrôles coordonnés et systématiques aux frontières” extérieures de l’Union européenne.
Il a également demandé “l’approbation avant la fin 2015” du fichier européens de passagers aériens (PNR) afin d’assurer la traçabilité du retour des djhadistes et de les interpeller.
Il a souligné que la lutte contre le trafic d’armes “appelle des textes européens urgents”.
M. Hollande a indiqué que la Conférence sur le climat sera maintenue. Plus de cent chefs d’État ou de gouvernement, viendront pour négocier un accord durable sur la conservation de la planète et “dire à la France, pays de liberté, combien le monde entier est solidaire, combien le monde entier doit également se mobiliser pour lutter contre le terrorisme.”
Le discours du président de la République a reçu l’ovation des parlementaires.
Les députés, les sénateurs et les membres du gouvernement ont entonné la Marseillaise.
Jean Lalloy, chroniqueur
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