Installé par le ministre de la Santé, Olivier Véran, le Conseil scientifique Covid-19, qui rassemble onze experts, éclaire depuis le 11 mars la décision publique dans la gestion de la pandémie de coronavirus. Six mois après sa création, son président, Jean-François Delfraissy, répond à nos questions.
Revue Politique et Parlementaire – La France, dans les premiers temps de cette épidémie, est apparue pour nombre de professionnels de santé, de commentateurs, d’acteurs politiques et pour une large part de l’opinion insuffisamment prête. Comment cette fragilité a-t-elle pesé sur le fonctionnement et les recommandations du Conseil scientifique que vous présidez ?
Jean-François Delfraissy – Toutes les grandes crises ne font que révéler des situations déjà existantes. Une crise sanitaire importante n’est jamais que sanitaire, elle devient très vite sociétale et politique. Nous savons que même dans un pays démocratique comme la France, il existe des inégalités particulièrement dans le domaine de la santé, et une crise mettra davantage en évidence ces inégalités. Prenons l’exemple du RER nord-sud. Au sud on gagne 7,8 années de vie par rapport à la Seine-Saint-Denis alors que notre modèle de santé est l’un des plus égalitaires au monde.
Cette crise survient dans un contexte de double malaise, de l’hôpital qui connaît une série de grèves et de revendications d’une part, de la santé publique d’autre part. La réponse hospitalière a été extraordinaire et n’a globalement pas souffert de manques de moyens. En cas d’épreuve, le personnel soignant hospitalier a une extraordinaire capacité à répondre à l’urgence. C’est dans son ADN. En revanche, et cela est peu connu du public, il y a un important défaut d’organisation de la santé publique en France. L’une des questions à laquelle il va falloir répondre après la Covid-19 c’est comment reconstruit-on une santé publique différente dans notre pays.
RPP – On a beaucoup dit que le système de santé n’était pas assez proche du terrain dans sa réponse administrative et on a d’ailleurs loué l’action des élus locaux qui se sont démenés pour parfois pallier un certain nombre d’insuffisances. Pensez-vous que notre modèle est aujourd’hui trop centralisé ?
Jean-François Delfraissy – La France possède une organisation centralisée mais la réponse au niveau local est double : il y a les représentants des autorités nationales représentés par les ARS et les préfets d’une part, et du côté des territoires, les maires, les présidents de région, etc. Sur les grandes décisions sanitaires, il m’apparaît difficile de ne pas partir d’une vision centralisée, mais il faut laisser aux territoires un degré de liberté important pour la déclinaison des actions. Je ne suis pas certain qu’on aurait pu mieux faire pendant la période du confinement. En revanche, peut-être aurait-il fallu laisser davantage de liberté aux territoires après le déconfinement. Si nous subissons une seconde vague, ce que le Conseil scientifique juge probable, la question de la gestion à la fois de la vision nationale et territoriale et plus particulièrement des grandes métropoles va se poser. Je pense que nous avons besoin des deux et qu’il ne faut pas opposer le central et les territoires.
RPP – Le président du Sénat a proposé que la direction des ARS soit confiée aux présidents de Région. Qu’en pensez-vous ?
Jean-François Delfraissy – Le Conseil scientifique a toujours insisté sur la gouvernance car il faut un pilote à bord. Comme je le disais, une crise n’est sanitaire qu’au début, et très vite il y a des décisions stratégiques à prendre qui sont davantage politiques, sociétales. Le régional, avec les préfets et les ARS, nous paraît alors être le bon niveau de commandement. Les territoires ont commencé à réfléchir à l’éventualité d’une seconde vague, mais il faut noter une grande hétérogénéité entre les régions, certaines ayant par ailleurs été plus touchées par le virus. Mais pour le Conseil scientifique, les vingt plus grandes villes françaises seront les plus concernées en cas de deuxième vague car c’est là que se jouent les grands enjeux : une population nombreuse, des transports massifs, les affaires… C’est à ce niveau qu’il faut proposer des réponses globales pour répondre efficacement aux enjeux qui vont se poser rapidement.
RPP – Ce qui frappe dans cette crise sanitaire globale, c’est le statut de la parole scientifique dont le Conseil scientifique que vous présidez est l’expression. Avez-vous eu le sentiment que celle-ci était bien comprise, médiatiquement d’abord, par l’opinion ensuite ?
Jean-François Delfraissy – Pendant toute cette période, je n’ai plus été un simple médecin, j’ai dirigé un comité de scientifiques afin d’aider le Gouvernement et le plus haut niveau dans leur prise de décisions sur des sujets extrêmement complexes, autour du confinement dans un premier temps puis du déconfinement dans un second.
En tant que président du Conseil scientifique, je me suis donné comme consigne de ne pas être un expert comme un autre, et en particulier de ne pas entrer dans les controverses. J’ai estimé en effet qu’il était plutôt de ma responsabilité d’essayer d’éclairer nos concitoyens sur des questions difficiles qui relèvent durant cette première période d’ailleurs finalement peu du domaine médical, mais plutôt de la santé publique. Cette vision a été partagée par le Conseil scientifique qui rappelons-le est multidisciplinaire.
Lors de la peste à Marseille en 1720, un lieutenant général du Royaume a décidé de confiner la ville parce que des familles bourgeoises marseillaises fuyaient la ville et se répandaient en Haute Provence, contaminant ainsi l’ensemble du territoire. Marseille a mis huit ans pour s’en remettre et redevenir un grand port. Trois siècles plus tard, face à la Covid-19 la réponse est également de santé publique et non médicale en l’absence d’antiviraux efficaces dirigés contre ce virus. Sur les sujets médicaux, il n’y a eu qu’une véritable controverse, autour de l’hydroxychloriquine seule ou en association. Nous n’avons pas pris position car ne disposant pas d’études randomisées solides sur le sujet. La science en situation de crise sanitaire doit continuer à se soumettre à des grands principes. Après cinq mois de recherche intensive, un peu désordonnée, il n’y a aucun médicament qui ait fait la preuve de son efficacité directe sur le virus. Par contre le traitement des formes graves a beaucoup progressé.
Concernant votre question sur les médias, rappelons-nous qu’au mois de mars, les Français, confinés, étaient en pleine sidération, avides d’information : les médias ont joué un rôle important à ce moment-là. Mais à partir de mi-avril, nous avons assisté, principalement sur les chaînes d’information en continu, à des affrontements entre pseudo-experts. Je réprouve totalement cela. Tout comme de nombreux experts et de décideurs sont auditionnés devant des commissions d’enquête, il me paraîtrait normal que celles-ci convoquent également les dirigeants de ces chaînes sur leur rôle et leurs pratiques pendant la crise. Dans toute profession, il existe des régulations éthiques, et le moment me semble venu de s’interroger sur leur respect dans certains médias.
RPP – Les réseaux sociaux ont également joué un rôle.
Jean-François Delfraissy – Les réseaux sociaux sont de nouveaux acteurs importants d’information aux côtés des médias traditionnels. Le rôle de certains pendant cette période aboutit à ce que la science et la médecine n’en sortent pas grandies dans l’esprit de nos concitoyens et cela m’attriste. J’avais déjà perçu lors des États généraux de la bioéthique, organisés par le Comité consultatif national d’éthique, qu’une certaine forme de doute commençait à s’insinuer dans une partie de l’opinion. En France, contrairement aux États-Unis, il existe de tradition une relation de confiance entre le médecin et son patient. Or, nous l’avons trouvée en 2018 détériorée. Je pense que les citoyens sortent de cette période de crise un peu déboussolés, s’interrogeant sur qui a tort et qui a raison. Loin de moi l’idée d’en faire porter la responsabilité aux seuls médias et réseaux sociaux, certains scientifiques et médecins ont aussi une part importante de responsabilité. Ce qui n’est pas perçu en revanche par le public, c’est qu’avec l’hydroxychloroquine la science française s’est déconsidérée au niveau international. Il suffit de lire un certain nombre d’éditos de Nature ou de Science pour voir que nombre de scientifiques ne comprennent pas pourquoi cette affaire a suscité un tel engouement et c’est très regrettable.
RPP – Vous trouvez que c’est en France que les polémiques ont été les plus importantes ?
Jean-François Delfraissy – Toute crise induit des tensions et des polémiques. À ma connaissance il n’y a qu’un pays, hormis la Chine, qui a limité le nombre de polémiques, c’est l’Italie. C’est assez surprenant car à nos yeux l’Italie n’est pas le modèle politique idéal, mais il y a eu dans ce pays, pourtant fortement touché par le virus, une sorte de contrat avec la population qui fait confiance à ses dirigeants pour répondre à la crise. En Espagne, en Allemagne, au Royaume-Unis, aux États-Unis et chez nous, les débats ont été nombreux et la confiance n’a pas été majoritairement au rendez-vous.
RPP – L’une des controverses marquantes en France a été la tenue des élections municipales. Rétroactivement pensez-vous que cette décision était opportune ?
Jean-François Delfraissy – Le Conseil scientifique, dans la période de ces quatre jours, entre le 12 et le 17 mars, a joué un rôle inédit d’éclairage, en aucune façon il n’a pris de décision. Les décisions reviennent aux politiques ! Il faut rappeler que la campagne municipale avait déjà eu lieu, et c’est probablement à ce moment-là que les contaminations se sont produites. Par ailleurs, pour l’avoir observé moi-même, les consignes sanitaires dans les bureaux de vote ont été globalement respectées alors que le même jour sur le marché de la Bastille les gens étaient les uns contre les autres.
RPP – Le travail du Conseil scientifique était un travail d’aide à la décision et non de prise de décision. Avez-vous le sentiment que ce distinguo a bien été relayé par les médias et compris dans le grand public ?
Jean-François Delfraissy – Qu’un pays se mette en quatre jours en confinement généralisé est quelque chose d’ « extra-ordinaire » que nous n’avions jamais connu dans la période récente. Les politiques étaient dans le doute, ils voyaient bien que la situation empirait et qu’il fallait probablement aller vers ce type de décision. On peut comprendre que cela ait suscité des interrogations et des débats multiples et variés. Le seul rôle du Comité a bien été de les aider à prendre des décisions sur le plan sanitaire.
RPP – Comment arrive-t-on à concilier le temps politique, le temps médiatique avec le temps de la recherche dans ce type de situation ?
Jean-François Delfraissy – Le temps médiatique est de quelques heures, le temps politique de quelques jours, le temps de la recherche et de la médecine est bien plus long. Mais ce n’est pas la seule différence. La science se construit dans le doute, en faisant un pas en avant, deux pas en arrière. Sans le doute, la « bonne » science n’existe pas. Expliquer aux politiques qu’on est dans le doute sur certaines questions qu’ils posent n’est pas évident car ils sont formés autrement. Ils sont brillants, ont fait de grandes écoles, mais la quasi-totalité d’entre eux n’a pas rédigé de thèse qu’elle soit de science ou de lettres. Ils ne sont donc pas habitués à ce fonctionnement intellectuel. J’aimerais ajouter que le Conseil scientifique n’avait aucune relation hiérarchique avec les politiques. Ses membres n’étaient pas patrons d’agences ou préfets, cette relation très française qu’a le pouvoir avec la haute administration nous était donc totalement inconnue. Il n’y a pas plus indépendant qu’un médecin, qu’un scientifique et probablement qu’un scientifique français, par conséquent notre parole a toujours été très libre.
Ce virus a été extrêmement surprenant, très déroutant, les avancées scientifiques se sont construites au fur et à mesure. Nous avons d’abord cru que c’était essentiellement les patients asymptomatiques qui transmettaient le virus, puis on a découvert l’existence des « super transmetteurs », ou encore le rôle des particules fines virales dans la transmission inter-humaine. Tout cela a pris du temps. Je me vois encore dans une réunion à l’Élysée où on attendait de nous des réponses sur les essais cliniques. Je leur ai donné l’exemple du VIH/Sida, qui reste la plus grande pandémie de ce siècle avec 40 millions de morts : il nous a fallu quinze ans pour trouver des trithérapies. Éradiquer le virus de l’hépatite C a demandé neuf ans et le vaccin contre Ebola, quatorze mois. Et pour la Covid-19, on attendait des médicaments et des vaccins dans un délai de quelques mois ! Nous savions qu’on ne le pourrait pas, sauf si l’hydroxichloriquine s’était révélée efficace. Aujourd’hui, nous n’avons pas de médicament dirigé contre le virus et si un vaccin est prêt fin 2020, début 2021 ce sera avec beaucoup de chance. Ce n’est pas évident à expliquer aux politiques et aux médias.
RPP – Avez-vous senti une impatience des décideurs ?
Jean-François Delfraissy – Non. Les relations entre le Conseil scientifique et les responsables politiques ont été bonnes, elles se sont déroulées dans un climat de confiance et de respect mutuel malgré les disparités que je viens d’évoquer en termes de notions de temps, de doute et de hiérarchie.
En revanche, j’ai pu constater des écarts pouvant exister entre le monde politique, y compris au plus haut niveau, et la haute administration. Ce sont à la fois des mondes proches et différents. Je me suis rendu compte que le politique ne faisait pas toujours ce qu’il voulait en raison d’une haute administration qui a son propre tempo, différent de celui du politique.
RPP – Comme il existe une médecine d’urgence, peut-il exister une recherche d’urgence ?
Jean-François Delfraissy – Nous avons réfléchi à la réactivité de la recherche à l’urgence après la crise H1N1 et avons créé REACTing, une structure de réflexion opérationnelle. La difficulté a été de lui donner une enveloppe budgétaire. Nous avons soumis cette structure à deux reprises aux investissements d’avenir, sans succès. Ils ont en effet considéré que cela ne relevait pas de leur domaine de compétence et qu’il n’y avait pas de question scientifique dans l’organisation de la recherche en situation d’urgence… Nous l’avons donc construite pas à pas. Elle a pris de l’ampleur au moment de l’épidémie Ebola puis de celle de Zika puis à nouveau d’Ebola. Yazdan Yazdanpanah en a pris la direction après moi et lui a donné encore plus d’importance. REACTing a été présente dès le début de la crise de la Covid-19, les premières réunions ont eu lieu le 20 janvier. Un certain nombre de décisions, y compris de financement de grands projets comme la thérapeutique, le suivi des patients, les diagnostics, etc., ont été prises dès le début du mois de février, avant même que nous soyons dans une situation difficile en France. Elle a joué ensuite un rôle centralisateur et d’organisation non négligeable. Les études se sont en revanche multipliées, sans coordination véritable, lorsque les CHU ont disposé de leurs propres financements pour mener leurs propres études. Je ne peux que regretter ce manque d’organisation. Nous en avons tiré néanmoins des leçons puisque REACTing va prochainement fusionner avec l’ANRS : c’est un incontestable atout pour la France que de disposer d’une nouvelle agence de recherche qui comprendra le VIH/Sida, les hépatites virales et toute la recherche en situation d’urgence, en lui donnant je l’espère les moyens de ses ambitions.
RPP – La coordination dans l’administration française est un problème ancien qui ne touche pas seulement la santé. N’y-a-t-il pas eu un vrai défaut de coordination entre les différents établissements de recherche notamment dans le domaine des sciences de la vie et de la santé ?
Jean-François Delfraissy – Les grands organismes de recherche se sont mobilisés. L’Inserm a mis des moyens à disposition des équipes de recherche via REACTing, l’ANRS a mobilisé les pays du sud, l’IRD a également répondu présent. L’ANR a très rapidement lancé un appel d’offres spécifique qui a permis de financer des projets. Mais je le répète, c’est dans le domaine de la recherche clinique et translationnelle, et en particulier dans les essais thérapeutiques, que la coordination a le moins bien fonctionné. On s’est vite aperçu, et c’est le propre de la recherche en situation d’urgence, que le temps de monter un projet, on assiste à un reflux du nombre de patients. Et finalement, somme toute, ces études se révèlent très peu informatives…
RPP – Beaucoup de médecins libéraux considèrent qu’ils ont été insuffisamment mobilisés et parfois contraints dans leur pratique. Qu’en pensez-vous ?
Jean-François Delfraissy – Au niveau du Conseil scientifique, qui est multidisciplinaire, nous avons un médecin libéral. Il a activé ses réseaux, les a tenus informés.
Entre la mi-mars et la mi-avril, les cabinets médicaux ont été désertés car les patients avaient peur de s’y rendre et d’être contaminés par la Covid. Ceux qui l’étaient allaient directement à l’hôpital. Puis les médecins libéraux ont pratiqué des téléconsultations et ont repris le suivi de leurs patients en particulier ceux souffrant d’affections chroniques. Je pense que c’était le plus important à ce moment-là. C’est à partir du déconfinement que certains médecins libéraux ont eu le sentiment de ne pas être suffisamment utilisés. Cela a été très disparate selon les régions. Certains se sont bien organisés, d’autres ont eu plus de difficultés. Les médecins ont aujourd’hui la possibilité de tester, tracer, isoler et traiter les patients, mais il existe des difficultés à obtenir des données sur leurs patients une fois dépistés. La possibilité de pouvoir se faire tester sans prescription médicale pose néanmoins la question du rôle du médecin libéral. Quelle place va-t-on lui donner ?
RPP – Quels sont les principaux enseignements que vous tirez de ce que nous avons vécu et comment nous préparer à la survenue d’un événement identique ou similaire ?
Jean-François Delfraissy – Je suis encore trop dans l’action pour pouvoir tirer tous les enseignements de ce que nous avons vécu. L’important pour moi est que la rentrée s’effectue dans de bonnes conditions et que nous appréhendions l’automne avec toutes les chances de notre côté. Compte tenu de ce qu’on a appris lors de la première vague, il nous faut anticiper en termes d’organisation, de répartition de responsabilités entre l’échelon centralisé et les territoires. En deux mots, il faut être en capacité de gérer une éventuelle deuxième vague en octobre ou novembre. C’est d’autant plus important qu’on aura à ce moment-là des choix politiques, sociétaux, voire éthiques majeurs à faire. Beaucoup, et le Conseil scientifique en premier, sont persuadés qu’on ne pourra pas à nouveau reconfiner toute la population et qu’il va falloir apprendre à vivre avec le virus pendant longtemps. Il faut, en respectant les gestes barrières, laisser vivre les plus jeunes, retrouver le chemin de l’école, continuer à travailler, à sensibiliser les plus anciens pour qu’ils se protègent, de leur plein gré. Mais comment va-t-on vivre ensemble pendant des mois avec cette menace ? Lorsqu’on m’interroge sur le passé, j’ai tendance à répondre « Avez-vous réfléchi au futur ? ». On agit comme si tout était fini, or, le virus circule toujours et nous n’en avons pas fini. Les choix seront de moins en moins médicaux et sanitaires et de plus en plus sociétaux et politiques. L’une des propositions plusieurs fois répétée du Conseil scientifique est que la société civile soit davantage impliquée dans le processus de décisions. Je ne désespère pas que, dans la dynamique qui est en train de se construire au niveau des villes et des territoires, les citoyens au sens large deviennent des acteurs à part entière de réflexion et d’action et que leurs voix participent au débat démocratique.
RPP – Pensez-vous que la société française s’est bien comportée pendant la crise ?
Jean-François Delfraissy – Elle a fait preuve d’un grand sens des responsabilités alors que le confinement lui a été imposé. De même, j’estime que le déconfinement s’est bien déroulé, même si, depuis juillet, on observe une perte des mesures de distanciation physique et des gestes barrières en particulier chez les plus jeunes. Notre priorité doit être de renouveler les messages d’information envers ce public, en s’appuyant probablement sur d’autres médiateurs que des vieux messieurs comme moi ou des experts bardés de tous leurs diplômes. Il faut faire confiance à cette génération qui est, quoi qu’on en dise, engagée et soucieuse du bien commun. Il est urgent de les faire participer à la réflexion sur les messages de prévention, mais pas seulement. On peut imaginer leur faire jouer un rôle citoyen dans les mois qui viennent, où on pourra compter sur leur générosité pour aller par exemple dans les quartiers, auprès des plus fragiles, si une deuxième vague venait à survenir. Pourquoi ne pas leur faire jouer un rôle de médiateur pour expliquer les gestes barrières dans les lieux publics ? Bref, ne pas désespérer de la jeunesse mais au contraire en faire une alliée. C’est tous ensemble que nous gagnerons la bataille contre le virus.
Jean-François Delfraissy
Président du Conseil scientifique Covid-19
Président du Comité national consultatif d’éthique
(Propos recueillis par Arnaud Benedetti)