La tournée de Joe Biden qui a débuté il y a une semaine par le sommet du G7 en Cornouailles et s’est terminée par la rencontre mercredi dernier avec Vladimir Poutine, est incontestablement un succès pour le président américain.
Certes, certains pourront dire qu’il n’y avait rien à attendre à court terme de cette visite et ces rencontres avec les chefs d’Etat et de gouvernement européens, mais aussi canadien et japonais, outre les pays qui figuraient parmi les invités.
Un effet positif immédiat pour l’Europe et la France
On notera tout de même que les Etats-Unis et l’Europe ont, dans un premier temps, enterré la hache de guerre tarifaire et fiscale dès lors que les Etats-Unis ont décidé de suspendre les taxes dites « punitives » sur le vin français importé aux Etats-Unis, qui avaient été décidées par Donald Trump à la lumière du contentieux entre Airbus et Boeing.
C’était aussi le grand retour du présentiel de nature à faciliter les échanges entre les dirigeants. Ce genre de sommet permet des rencontres bilatérales entre les dirigeants et rend possible les échanges avec les délégations nationales. Ainsi et même si le communiqué final avait été bien finalisé avant même l’arrivée de Joe Biden au Royaume-Uni, ce nouveau G7, après deux ans d’interruption en présentiel, a été bénéficiaire pour tous.
Mais ne nous y trompons pas. Cette tournée est avant tout un succès personnel pour Joe Biden. Voilà quarante ans que le président des Etats-Unis pratique la politique étrangère, en fait depuis son entrée au congrès des Etats-Unis. Il a également été durant huit ans vice-président des Etats-Unis, période pendant laquelle il a côtoyé les dirigeants de la planète, dont certains sont toujours en exercice, essentiellement les dictateurs et autres potentats de régimes aujourd’hui montrés du doigt pour leurs violations répétées des droits de l’Homme.
Protecteur des démocraties menacées et promoteur des droits de l’Homme
En arrivant en Europe, Joe Biden avait une idée en tête, en fait une véritable stratégie diplomatique et politique.
Il venait en défenseur des droits de l’Homme et, plus largement, des démocraties occidentales fragilisées par tous ces pouvoirs forts, qu’il s’agisse de la Chine ou de la Russie. Sur la Chine, ce pays a été clairement montré du doigt. Alors que Donald Trump n’avait pas voulu faire référence à ce pays lors des derniers G7, cette fois-ci le communiqué final le mentionne très clairement comme un danger. N’est aussi pas passée sous silence l’éventuelle faute de ce pays dans la fuite du virus de la Covid-19 du laboratoire de Wuhan, pas plus que la violation des règles démocratiques et des droits de l’homme à Hong-Kong et contre les Ouïghours dans la province de Xinjiang. Que la Chine l’ait très mal pris, on le comprend et, bien sûr, il faudra voir dans la durée ce que cette ligne dure implique.
Mais le plus important était de montrer au monde que les Etats-Unis étaient de retour sur la scène internationale sur le registre des droits de l’Homme et sur celui de la défense des démocraties en danger, terrain qu’avait complètement abandonné Donald Trump, sujet sur lequel l’Europe ne peut faire cavalier seul tant sa situation de vulnérabilité et de division est patente.
La réunion de l’OTAN a été l’occasion pour Joe Biden de réaffirmer son attachement au lien transatlantique et à la totale solidarité avec les pays membres, notamment à l’article 5 du traité qui sanctuarise cette solidarité en cas d’attaque d’un pays membre de l’OTAN par un pays ennemi. Donald Trump avait été sur ce point d’une ambiguïté dévastatrice. Il n’en demeure pas moins que des questions sensibles existent : le retrait unilatéral des troupes américaines en Afghanistan n’est pas remis en cause alors que cela va sans aucun doute créer un chaos monstre. La réintégration dans l’accord sur le nucléaire iranien n’est absolument pas acquise, car il en va de la sécurité de la région, notamment en ce qui concerne Israël qui vient de changer de premier ministre et gouvernement. Mais les dirigeants européens sont sortis rassérénés de cette rencontre même si l’objectif qu’ils consacrent 2% au moins de leur PIB à leur défense reste une exigence de la part des Etats-Unis.
Comment Biden a « jaugé » Poutine
Enfin, last but not least, la rencontre Biden-Poutine a été l’épicentre de cette tournée européenne à Genève, dans une ville complètement bouclée.
Joe Biden a déclaré, en partant, « j’ai fait ce pourquoi j’étais venu » d’une façon on ne peut plus synthétique mais révélatrice d’un président aguerri aux arcanes de la négociation et des rapports de force.
Il a d’abord voulu tester Vladimir Poutine, son état d’esprit, ses éventuelles vulnérabilités. Le dirigeant russe, qui apparaît intransigeant et fort, présente tout de même des faiblesses et il en est conscient. Son pouvoir toujours aussi solide en apparence, commence à vaciller. Ses menaces et intimidations de l’Occident ont eu des effets dévastateurs aussi. Le président américain, qui s’est entretenu en comité restreint avec le président russe pendant une heure trente, accompagnés de leurs ministres des affaires étrangères respectifs, puis en formation élargie avec leurs conseillers, se sont jaugés.
Joe Biden voulait savoir jusqu’où irait le président russe dans sa politique d’intimidation ; le président américain a fait preuve d’une grande fermeté et a clairement mis en garde Vladimir Poutine sur plusieurs dossiers : les cyberattaques ne seront plus tolérées et, en mains propres, il lui a donné une liste d’une quinzaine d’entités à ne pas toucher, faute de quoi la riposte américaine est annoncée comme terrible, soit la mise en œuvre d’une sorte de dissuasion nucléaire appliquée au numérique. Le président russe semble avoir compris l’ampleur de la mise en garde. Sur l’Ukraine, Joe Biden a tenu le même langage selon lequel toute agression ou nouvelle étape dans l’annexion entraînera une riposte des Etats-Unis, y compris sur le plan militaire. La détermination du président américain a eu son effet. La comparaison ridicule faite par Vladimir Poutine entre l’incarcération de l’opposant Alexeï Navalny et celle des émeutiers du Capitole le 6 janvier 2021, a montré les limites des capacités de manipulation du président russe qui semble avoir été fragilisé lors de cette rencontre au vu de la détermination de Joe Biden.
Une réussite à confirmer pour Joe Biden
Si les échanges de prisonniers ont été évoqués, il conviendra de voir à l’avenir si une avancée confirme ce premier pas. La libération de deux américains serait un geste de nature à apaiser les tensions de même que l’a été la décision de réadmettre immédiatement les ambassadeurs respectifs des deux pays à Washington et Moscou.
Ces sommets ont aussi démontré que, sans l’appui des Etats-Unis, l’Europe est impuissante. A voir la façon dont le président américain a été accueilli, il est permis de constater que la défense européenne autonome n’est pas pour demain et que si l’Europe est incontestablement une puissance économique elle reste encore un nain politique dont ni la Russie ni la Chine ne semblent faire grand cas lorsqu’il s’agit de la menacer.
Rentré à Washington dès la fin de sa rencontre avec Vladimir Poutine, Joe Biden pouvait donc dresser un bilan nettement positif pour son pays. Le contrat « America is back » a été rempli, pour l’heure.
Patrick Martin-Genier