Pour le lecteur contemporain, les Lumières apparaissent souvent comme une notion aux contours assez flous. On s’y réfère, de manière parfois un peu rituelle, voire paresseuse, comme à un élément fondateur des sociétés démocratiques modernes. Le livre de Christophe Martin propose de cerner les principes essentiels d’une dynamique nouvelle du savoir et de la pensée.
C’est aux Lumières qu’on devrait notamment le respect des droits de l’homme, le principe d’une égalité devant la loi, celui d’une tolérance religieuse et morale… Une telle conception ne permet pas à elle seule d’identifier avec précision ce qui constitue un moment intellectuel fondamental dans l’histoire de la pensée et de la culture occidentales. En effet, Christophe Martin a souhaité ne pas se borner à présenter des « Lumières radieuses contribuant à l’invention des libertés dans un élan unanime et dans une vision simpliste du progrès de l’esprit humain. Le phénomène des Lumières est riche de tensions, de contradictions et d’ambiguïtés qu’il importe de ne pas ignorer », mais de « cerner les principes essentiels d’une dynamique nouvelle du savoir et de la pensée ». Il propose d’articuler dans son texte histoire des idées et histoire culturelle afin de mettre en exergue les grandes mutations de ce phénomène qui a abouti à la Révolution française.
L’auteur distingue quatre périodes dans ce développement des Lumières : l’avènement de l’esprit critique (1685-1720) marqué par les manifestations les plus diverses de l’esprit critique illustré notamment par les écrits de Pierre Bayle et de Fontenelle. L’essor des Lumières (1720-1750), c’est le règne de « l’esprit de l’ironie et de l’impertinence ». Montesquieu, Marivaux, Crébillon fils, et le premier Voltaire marquent cette période de leur empreinte. Les Lumières militantes (1750-1778). Les philosophes tendent à radicaliser leurs discours et leur contestation. Période illustrée par les écrits du second Voltaire, par l’Encyclopédie dirigée par Diderot et d’Alembert. C’est aussi le moment où ces Lumières trouvent en Rousseau une conscience critique. Enfin les Lumières déclinantes (1778-1799) qui s’ouvre avec la disparition des « phares » : Voltaire et Rousseau (1778) et Diderot (1784).Les grandes figures de cette époque sont Beaumarchais, Laclos et Sade.
Ces repères chronologiques ne doivent pas perdre de vue que les Lumières ne relèvent pas seulement de l’histoire des idées. Il convient de les situer dans un contexte global de profondes mutations sociales, politiques, institutionnelles, technologiques, précise l’auteur. Une question d’actualité reste ouverte : Qu’en est-il aujourd’hui de l’esprit des Lumières, face à la mondialisation ? Que subsiste-t-il de cet héritage complexe dans les débats de notre société sur la laïcité, les craintes que suscitent les progrès de la science… ?
Sans perdre de vue la complexité du phénomène, Christophe Martin souhaite dans cet ouvrage beaucoup moins proposer un panorama complet des Lumières, qu’éclairer certains de ses principes essentiels.
L’auteur dresse également un tableau chronologique des évènements et des œuvres jusqu’à la Révolution française. Enfin un chapitre récapitulatif de l’esprit des Lumières : histoire, littérature, philosophie, anthologie clôture cet ouvrage synthétique, clair et pédagogique.
Christophe Martin
Armand Colin, 2017
192 p – 16,90 €