La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale met en œuvre les orientations de la politique de défense définies par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié le 29 avril 2013. Elle programme les ressources et les capacités allouées à la défense nationale pour six ans.
Ainsi que le prévoyait l’article 6 de la loi, le projet de loi procède à l’actualisation de la programmation militaire selon les décisions arrêtées par le président de la République lors du Conseil de défense du 29 avril 2015.
Cette actualisation s’inscrit dans les principes de la stratégie de défense et de sécurité nationale énoncés dans le Livre blanc et vise selon le gouvernement à préserver les grands équilibres de la programmation militaire, tout en intégrant les évolutions survenues depuis 2013. Elle consolide l’effort de défense de la France compte tenu de l’acuité des lourdes menaces qui pèsent contre la sécurité de la France et de ses intérêts, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de notre territoire.
Depuis 2013, les responsabilités de la France vis-à-vis des Etats et des populations soumis à la violence des attaques terroristes ainsi que les besoins de la sécurité du pays ont conduit à un niveau élevé d’engagement extérieur des armées, au-delà des seuils fixés dans le Livre Blanc de 2013. Simultanément, au regard des impératifs de protection des Français depuis les attentats de janvier 2015, le président de la République a décidé de pérenniser le déploiement de 7 000 militaires sur le territoire national dans le cadre de l’opération “Sentinelle” et le renforcement des dispositifs de protection du ministère de la Défense.
Afin de garantir la capacité des armées à conduire dans la durée l’ensemble de leurs engagements opérationnels et à assurer en toute occasion la sécurité des Français, sur le territoire national comme en intervention extérieure, un ajustement des effectifs, un effort au profit des équipements les plus employés dans les opérations et un renforcement des capacités de renseignement et de cyberdéfense ont été décidés.
Le ministre de la Défense indique que 3,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires seront dégagés sur quatre années au profit de la programmation militaire, portant le montant de ses ressources, hors pensions, à 162,4 milliards d’euros courants sur la période 2015-2019. En outre, ces ressources seront sécurisées en substituant des crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles prévues dans la loi de 2013. Dès 2015, les ressources de la mission défense sont intégralement composées de crédits budgétaires et des produits de cessions immobilières ou d’équipements militaires.
La protection terrestre est renforcée et les forces devront être capables de déployer dans la durée 7 000 hommes sur le territoire national, avec une capacité à monter en quelques jours jusqu’à 10 000 hommes pour un mois, ainsi que les moyens adaptés des forces navales et aériennes. Ce déploiement doit contribuer, au profit de l’autorité civile et en renfort des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, à la protection des points d’importance vitale et des flux essentiels pour la vie du pays, au contrôle de l’accès au territoire et à la sauvegarde des populations. A cet effet, les effectifs de la force opérationnelle terrestre seront portés de 66 000 à 77 000 hommes. La contribution de la réserve opérationnelle militaire sera également accrue et l’activation du contrat opérationnel de protection pourra entraîner le recours à de nouvelles conditions d’appel de la réserve, plus souples et plus réactives.
Le projet de loi modifie à cette fin l’évolution prévisionnelle des effectifs de la mission « Défense » qui atteindront261 161 équivalents temps pleins (ETPE) en 2019 : la diminution des effectifs, initialement prévue à hauteur de 33 675 ETP sur la période 2014-2019, est atténuée de 18 750 ETP et s’établira à14 925 déflations, dont 6 618 sur 2015-2019 – hors effectifs de stagiaires prévus dans le cadre de l’expérimentation du Service militaire volontaire. Les réformes et rationalisations engagées par le ministère de la Défense seront poursuivies afin de permettre la réorientation de 15 000 postes des fonctions de soutien vers la protection du territoire national, tout en consolidant des parcours professionnels attractifs et en maîtrisant sa masse salariale.
Le projet de loi prévoit en outre un effort accentué au profit de l’équipement des forces dans certaines capacités critiques telles que l’entretien des matériels, les hélicoptères, l’aviation de transport tactique ou encore le renseignement. Une enveloppe de 88 milliards d’euros courants sur la période 2015-2019 sera ainsi consacrée à l’équipement et bénéficiera à l’industrie de défense, secteur crucial de l’économie et indispensable à l’autonomie stratégique de la France. En moyenne, la dotation annuelle s’élèvera à près de 17,6 milliards d’euros courants. En outre, les prévisions d’exportation de la loi de programmation militaire sont en passe d’être tenues, en particulier dans les domaines aéronautique et naval, comme l’illustrent la concrétisation récente de l’exportation de l’avion de combat Rafale au profit de l’Egypte et du Qatar, l’annonce concomitante d’une prochaine commande indienne et la livraison d’une frégate européenne multi missions à l’Egypte en 2015.
Enfin, le projet de loi comporte un volet normatif, dont certaines dispositions portant sur la gestion des ressources humaines qui doivent permettre l’exécution de la programmation militaire, d’autres tirant les conséquences d’évolutions juridiques intervenues depuis 2013. A la suite des deux arrêts du 2 octobre 2014 de la Cour européenne des droits de l’homme, le projet loi intègre ainsi le droit pour les militaires de créer et d’adhérer librement à des Associations professionnelles nationales de militaires.
Rapporteur à l’Assemblée nationale : Mme Patricia Adam (SRC, Finistère) et rapporteurs pour avis : M. Gwenegan Bui (SRC, Finistère), M. Jean Launay (SRC, Lot) et M. Hugues Fourage (SRC, Vendée).
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 9 juin 2015.
Le projet de loi a été adopté par 291 voix contre 195 et 64 abstentions. Les députés SRC et RRDP ont voté pour. Les membres des groupes UDI – à l’exception de MM. Jean-Christophe Fromantin et Hervé Morin qui ont voté contre – et Ecologistes se sont abstenus tandis que ceux du Front de gauche et du groupe Les Républicains ont voté contre, 17 députés s’étant toutefois abstenus.
Rapporteur au Sénat : M. Jean-Pierre Raffarin (Les Républicains, Vienne) et rapporteur pour avis : M. Dominique de Legge (Les Républicains, Ille-et-Vilaine).
Adoption en première lecture par le Sénat le 15 juillet 2015.
La commission mixte paritaire, réunie le 15 juillet 2015, est parvenue à élaborer un texte commun.
Le texte élaboré par la CMP retient deux “clauses de sauvegarde”, introduites par le Sénat, essentielles pour les ressources de la défense. Ainsi, l’éventuelle évolution défavorable du“coût des facteurs” – inflation et cours du pétrole – sera, en cas de besoin, compensée par des crédits budgétaires : le montant en jeu s’élève à environ un milliard d’euros au total qui gage les achats d’équipements. De même, les recettes de cessions immobilières et d’équipements militaires – 930 millions d’euros au total – sont garanties. Certaines dépenses seront mutualisées. Les dispositions du texte initial relatives aux associations professionnelles de militaires, qui siégeront non pas dans les conseils de la fonction militaire, ou CFM, de chacune des armées, mais dans des instances interarmées, ont été rétablies. Ces associations seront soumises aux obligations de réserve s’appliquant aux militaires. Elles ne pourront se porter partie civile dans des procédures judiciaires que lorsqu’elles seront personnellement et directement victimes, pour éviter toute judiciarisation excessive. Le contrôle parlementaire a été renforcé : un débat annuel au Parlement est prévu sur les missions de protection du territoire national, comme pour les opérations extérieures, et les présidents, eux seuls, de trois commissions, celle compétente en matière de défense, celle des lois et celle des finances de chaque assemblée, pourront saisir la Commission consultative du secret de la défense nationale en vue d’obtenir la déclassification d’un document, la décision relevant du ministre de la Défense.
Adoption du texte de la CMP par l’Assemblée nationale le 16 juillet 2015.
Adoption du texte de la CMP par le Sénat le 17 juillet 2015.
Jean Lalloy, chroniqueur