Le Sénat a commencé à examiner en première lecture le projet de loi en séance publique le 14 septembre 2015 et doit poursuivre ses travaux en séance publique jusqu’au 6 octobre.
Rapporteurs à l’Assemblée nationale : M. Olivier Véran (SRC, Isère), titre I, Mme Bernadette Laclais (SRC, Savoie), titre II, M. Jean-Louis Touraine (SRC, Rhône), titre III, Mme Hélène Geoffroy (SRC, Rhône), titre IV, et M. Richard Ferrand (SRC, Finistère), titre V.
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 avril 2015.
Rapporteurs au Sénat : M. Alain Milon (Les Républicains, Vaucluse), Mmes Catherine Deroche (Les Républicains, Maine-et-Loire) et Élisabeth Doineau (UDI, Mayenne), et rapporteurs pour avis : MM. André Reichardt (Les Républicains, Bas-Rhin), commission des lois, et Jean-François Longeot (UDI, Doubs), commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Le Sénat a commencé à examiner en première lecture le projet de loi en séance publique le 14 septembre 2015 et doit poursuivre ses travaux en séance publique jusqu’au 6 octobre.
Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes a annoncé au début de la discussion qu’elle défendrait résolument les mesures phares du projet de loi qu’elle présentait, notamment la généralisation du tiers payant et le paquet de cigarettes neutre, dispositions supprimées par la commission des affaires sociales du Sénat. La commission a, en effet, profondément remanié le projet de loi, qui comprenait initialement 57 articles lors de son dépôt en octobre 2014 à 209 articles à l’issue de son examen par l’Assemblée nationale en avril 2015. Au total la commission des affaires sociales du Sénat a supprimé 50 articles et adopté 204 amendements. Après avoir indiqué qu’elle proposerait des amendements visant à réintroduire les mesures structurelles du texte supprimées par la commission (notamment le rétablissement du pacte territoire santé, du paquet neutre, de la lutte contre l’ingérence de l’industrie du tabac dans les politiques publiques, de la possibilité offerte aux professionnels de santé de se constituer en communautés professionnelles territoriales de santé), Mme Marisol Touraine a déclaré avoir conscience que la probabilité que ces amendements soient adoptés était relativement faible. Elle a défendu une médecine de proximité faisant “du médecin généraliste le centre de gravité de la prise en charge du patient”.
Le Sénat a modifié la loi Evin établissant, contre l’avis du gouvernement, une distinction entre la publicité sur les boissons alcooliques et l’information œnologique. Il a adopté par 287 voix pour, contre 33, des amendements de MM. Roland Courteau (socialiste, Aude), Gérard César (Les Républicains, Gironde), Philippe Adnot (non inscrit, Aube), René-Paul Savary (Les Républicains, Marne) et Jean-Claude Requier (RDSE, Lot) précisant que ne relèvent pas de la publicité et de la propagande les contenus liés à une région de production ou au patrimoine culturel, économique ou paysager liés à une boisson alcoolique. Selon MM. Courteau, Patriat et plusieurs de leurs collègues, il s’agit de préciser que ne relèvent pas de la publicité et de la propagande les contenus liés notamment à une région de production ou encore au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine ou bien liés a un terroir protégé. La loi Evin a encadré la publicité sur les boissons alcooliques sans en donner une définition claire. Face à ce vide, les juges se sont substitués au législateur pour la définir. Or la définition qui en est donnée entraîne, mécaniquement, l’assimilation d’un contenu journalistique, culturel, ou œnotouristique à de la publicité, tombant ainsi sous le coup de la loi. Cela constitue un redoutable carcan pour l’information journalistique et œnotouristique qui peut conduire les journalistes à s’autocensurer et qui peut avoir de graves conséquences sur le développement, par exemple de l’œnotourisme. Il s’agit donc d’apporter une clarification à la législation existante, distinguant d’une part, publicité et, d’autre part, contenu journalistique, informatif, tels que les reportages et donc de corriger l’insécurité juridique actuelle. Enfin, si la lutte contre l’alcoolisme justifie pleinement que certaines restrictions soient apportées à la publicité, il convient que ces restrictions restent proportionnées à l’objectif poursuivi, sans compromettre le respect de principes tout aussi légitimes comme celui de la liberté d’expression. Mme Marisol Touraine a considéré qu’il y avait un paradoxe de voter de tels amendements dans le cadre de la discussion d’un projet de loi sur la santé.
Le Sénat a rejeté par 228 voix contre 16 l’amendement du gouvernement relatif à la création du paquet de cigarettes neutre. La lutte contre le tabagisme, priorité du gouvernement, “nécessite que l’on prenne des mesures fortes et audacieuses. Le paquet neutre est un élément d’une stratégie d’ensemble, qui passe de l’interdiction de fumer dans les lieux publics à la lutte contre les trafics”, a déclaré Mme Marisol Touraine. L’amendement du gouvernement visait à instaurer à partir de mai 2016 des paquets de cigarettes neutres ayant les mêmes forme, taille, couleur sans logo avec une mention discrète de la marque. Plusieurs sénateurs ont défendu la profession de buraliste, créatrice de lien social dans les territoires et considéré que la mesure excédait les dispositions législatives européennes, alors qu’une directive européenne prévoit seulement d’accroître la taille des avertissements sanitaires sur les paquets. M. Richard Yung (socialiste, représentant les Français établis hors de France) a, quant à lui, considéré que le paquet neutre anonymise le paquet de tabac, et, ce faisant, porte atteinte à la marque et donc à la propriété industrielle. Le Sénat a adopté un amendement de M. Gérard Roche (UDI-UC, Haute-Loire) visant à permettre aux détaillants de vapoteurs de disposer des affichettes publicitaires sur les lieux de vente.
Le Sénat a ainsi remplacé l’instauration du paquet neutre par une stricte transposition de la directive européenne prévoyant de porter à 65 % la surface des paquets de cigarettes consacrée aux avertissements sanitaires.
Il a autorisé les détaillants de dispositifs électroniques de vapotage, buralistes et commerçants spécialisés, de disposer d’affichettes publicitaires pour ces produits sur les lieux de vente et précisé que les vendeurs de cigarettes électroniques et des recharges d’e-liquides peuvent également vérifier la majorité du client.
Le Sénat a adopté une disposition tendant à interdire à compter de 2017 les cabines de bronzage à UV – tout en prévoyant un dispositif transitoire – en raison de leur rôle nocif dans l’apparition des cancers de la peau, M. Jean-François Longeot ayant rappelé que leur danger avait été établi par le Centre international de recherche sur le cancer. Mme Marisol Touraine a émis un avis défavorable : “La nocivité de l’exposition aux rayons UV est avérée et l’augmentation des mélanomes doit nous conduire à agir. Mais faut-il interdire ?”.
Le Sénat a adopté un amendement tendant à soumettre l’activité de mannequin à un indice de masse corporel (IMC) minimal et redonner sa place au médecin du travail. M. Alain Vasselle (Les Républicains, Oise) a rappelé que l’anorexie mentale, qui concerne 40 000 personnes en France “est une maladie psychique complexe qui doit être appréhendée de manière globale par la médecine et non par un simple chiffre d’IMC”.
Le Sénat a rejeté les amendements de suppression de l’article relatif à l’expérimentation de salles de consommation de drogues à moindre risque, les rapporteurs s’y étant opposés, l’essentiel étant que les toxicomanes puissent y rencontrer des addictologues, selon M. Alain Milon. Il a décidé d’associer le plus en amont possible les maires des communes concernées par l’implantation expérimentale de “salles de shoot” et prévu qu’à Paris, Lyon et Marseille, le maire d’arrondissement ou de secteur concerné sera également associé. Il a simplifié les modalités de constatation de l’infraction de conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants en permettant aux forces de l’ordre d’effectuer un prélèvement salivaire en lieu et place du prélèvement sanguin.
Le Sénat a rétabli les articles supprimés en commission des affaires sociales, autorisant respectivement les centres de santé à pratiquer les IVG par voie chirurgicale et non plus seulement par voie médicamenteuse et supprimant le délai d’attente d’une semaine entre les deux rendez-vous médicaux conditionnant l’accès à l’IVG.
Le Sénat a rejeté le tiers payant généralisé, mesure phare du projet de loi. La commission des affaires sociales a considéré que l’article du projet de loi, qui tend à prévoir les modalités du déploiement jusqu’au 1er janvier 2017 du tiers payant généralisé pour les bénéficiaires de l’assurance maladie, n’est pas réellement justifié pour améliorer l’accès aux soins dès lors que le tiers payant existe pour toutes les personnes dont le niveau de revenu est inférieur ou égal au seuil de pauvreté monétaire. Il constitue selon la commission une remise en cause inutile de la pratique des professionnels de santé libéraux, lesquels pratiquent déjà le tiers payant pour des raisons sociales et par choix personnel. L’obligation de pratiquer la dispense d’avance de frais constitue l’établissement d’un lien direct entre les organismes payeurs et les professionnels libéraux, qui revient sur les choix opérés lors de la mise en place de la Sécurité sociale de préserver la relation directe entre patients et médecins pour laisser les premiers libres du choix de leur praticien et les seconds libres de choisir les modalités de leur exercice. Enfin, selon la commission, la volonté du gouvernement d’inscrire dans ce projet de loi une mesure qui, comme toutes celles relatives au tiers payant, aurait sa place dans un projet de loi de financement de la Sécurité sociale, a bloqué les relations entre les professionnels de santé et l’assurance maladie et mis fin à l’ensemble des négociations conventionnelles.
Le Sénat a adopté la suppression du délai de réflexion de sept jours imposé aux femmes souhaitant une interruption volontaire de grossesse et autorisé les sages-femmes à pratiquer des IVG médicamenteuse.
Jean Lalloy, chroniqueur