Le projet de loi relatif à la santé porte l’ambition de moderniser notre système en renforçant la prévention, en réorganisant le parcours de soins et en développant les droits des patients. Il a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 avril 2015.
Première lecture à l’Assemblée nationale
Rapporteurs à l’Assemblée nationale : M. Olivier Véran (SRC, Isère), titre I, Mme Bernadette Laclais (SRC, Savoie), titre II, M. Jean-Louis Touraine (SRC, Rhône), titre III, Mme Hélène Geoffroy (SRC, Rhône), titre IV, et M. Richard Ferrand (SRC, Finistère), titre V.
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 avril 2015.
Rapporteurs au Sénat : M. Alain Milon (Les Républicains, Vaucluse), Mmes Catherine Deroche (Les Républicains, Maine-et-Loire) et Élisabeth Doineau (UDI, Mayenne), et rapporteurs pour avis MM. André Reichardt (Les Républicains, Bas-Rhin), commission des lois, et Jean-François Longeot (UDI, Doubs), commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Première lecture au Sénat
Adoption en première lecture par le Sénat le 6 octobre 2015.
Le Sénat a poursuivi l’examen du projet de loi relatif à la santé.
Il convient de rappeler que précédemment le Sénat avait modifié la loi Evin, établissant, contre l’avis du gouvernement, une distinction entre la publicité sur les boissons alcooliques et l’information œnologique. Il avait rejeté par 228 voix contre 16 l’amendement du gouvernement relatif à la création du paquet de cigarettes neutre. Il avait également rejeté le tiers payant généralisé, mesure phare du projet de loi.
Le Sénat a inséré un article additionnel prévoyant un régime d’autorisation d’absence destiné aux femmes engagées dans un parcours de procréation médicale assistée (PMA).
S’agissant de la protection des données personnelles il a modifié l’article relatif à la réforme de l’accès aux données de santé afin de renforcer la protection des données personnelles et notamment la diffusion du NIR (numéro d’inscription au répertoire d’identification des personnes physiques) en confiant la gestion de ce numéro à des organismes n’ayant pas d’autres missions que celle de gérer le secret des identités. Il a renforcé les pouvoirs de la CNIL en supprimant la dérogation à l’obligation d’information des personnes fondée sur “les efforts disproportionnés par rapport à l’intérêt de la démarche” et en garantissant l’information des personnes quant à un éventuel traitement de leurs données.
Il a renforcé la transparence des liens d’intérêt entre les laboratoires pharmaceutiques et les autres acteurs du monde de la santé en imposant la publication individuelle de chaque contrat en lieu et place du montant agrégé de l’ensemble des contrats.
Commission mixte paritaire et nouvelles lectures à l’Assemblée nationale et au Sénat avant l’adoption définitive
Réunion de la commission mixte paritaire le 27 octobre 2015.
Mmes Bernadette Laclais (députée, Savoie, SRC) et Catherine Deroche (sénatrice, LR, Maine-et-Loire) ont été désignées rapporteurs. La commission mixte paritaire, réunie le 27 octobre 2015, a échoué. Sur les 262 articles composant le texte en navette, 182 restaient encore en discussion.
La modification de trois articles clés a empêché la formulation d’un compromis. Il s’agit de la suppression du paquet neutre, du rejet du tiers payant en ville, du rétablissement de la loi hôpital, patients, santé, territoires (HPST) en contradiction, selon le rapporteur de l’Assemblée nationale, avec l’esprit de refondation du service public hospitalier du projet de loi examiné.
Adoption en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 1er décembre 2015.
L’Assemblée a commencé le 24 novembre 2015 l’examen du projet de loi, plusieurs fois repoussé en raison des attentats commis à Paris. Plus de 700 amendements ont été déposés.
Elle a notamment rétabli les dispositions des trois articles clés qu’elle avait adoptées en première lecture.
Cependant un amendement de suppression de l’instauration du paquet de cigarette neutre de M. Thierry Lazaro (LR, Nord) a été rejeté par 56 voix contre 54, dont 54 voix socialistes. M. Gilles Lurton (LR, Ille-et-Vilaine) a dénoncé la mesure qui aurait pour conséquence de faire disparaître le commerce en milieu rural. Pour MM. Julien Aubert (LR, Vaucluse) et Elie Abou (LR, Hérault) elle consiste à faire augmenter la part du tabac importé. M. Sébastien Denaja (SRC, Hérault) et M. Razzi Hamadi (SRC, Seine-Saint-Denis) ont dénoncé les risques d(une concurrence transfrontalière. Les députés ayant voté contre la suppression du paquet neutre (50 SRC et 6 Écologistes) ont défendu son effet dissuasif. Mme Michèle Delaunay (SRC, Gironde) a constaté que “le paquet neutre est moche”, mais qu’ “il alerte” et “dit la vérité” et dénoncé la pression des lobbies.
“78 000 morts du tabac par an, c’est plus de 200 morts par jour, Alors que dans tous les pays européens la consommation de tabac baisse, elle augmente en France” a souligné Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.
L’article du projet de loi assouplissant la loi Evin en distinguant la publicité sur les boissons alcooliques et l’information œnologique, initialement inséré dans la loi Macron et censuré par le Conseil constitutionnel, dans la mesure où son objet était étranger à celui de cette loi, a été adopté le 24 novembre.
En ce qui concerne d’autres articles, l’Assemblée nationale a considéré que la rédaction adoptée par le Sénat remettait en question des équilibres qui auraient mérité d’être confortés. Ainsi, selon les rapporteurs, le gouvernement avait profondément remanié l’organisation territoriale de la santé en centrant le projet sur la coordination à l’initiative des acteurs libéraux, d’une part, et en transcrivant les orientations du Pacte territoire santé, d’autre part. Le Sénat a revu le dispositif des communautés professionnelles territoriales de santé et a introduit un article sur le conventionnement sélectif. L’intention des députés de la majorité était de laisser jouer les mécanismes incitatifs et de permettre aux acteurs de s’organiser librement. La suppression des structures locales de concertation, telles que les conseils territoriaux de santé prévus par l’article 38, allait par ailleurs selon les rapporteurs à l’encontre de la nécessaire concertation que les professionnels appellent de leurs vœux. L’article relatif à l’ouverture des données de santé a été modifié par le Sénat par l’adoption de dispositions vidant l’open data de son contenu ou créant de nouvelles rigidités, par exemple en substituant au régime de déclaration préalable en cas d’urgence sanitaire pour accéder aux données du système national des données de santé un régime d’autorisation.
L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi par 296 voix (264 SRC, 11 RRDP et 17 Écologistes) contre 243 (LR, UDI et Front de gauche) et 16 abstentions (7 SRC, 6 RRDP, 1 Écologiste et 2 GDR), alors qu’en première lecture le projet de loi avait été adopté par 311 voix contre 241 et 10 abstentions.
Mme Véronique Massonneau (SRC, Vienne) a approuvé “la généralisation du tiers payant, véritable mesure de justice sociale et de santé publique.” Elle a souligné “les grandes avancées que sont le droit à l’oubli, les actions de groupe élargies à la politique de santé, les autorisations d’absence pour les couples ayant recours à l’aide médicale à la procréation, l’ouverture du don du sang aux homosexuels, le renforcement de l’ambulatoire et des agences régionales de santé, la création des groupements hospitaliers territoriaux, la prise en compte de la douleur”.
“Nous ne sommes pas opposés au tiers payant généralisé, mais nous contestons la méthode a constaté M. Stéphane Claireaux (RRDP, Saint-Pierre-et-Miquelon). L’introduction généralisée du tiers payant, promesse de campagne du président Hollande pour lutter contre les renonciations aux soins, est refusée par les médecins – syndicats et Ordre – qui sont opposés à cette mesure et l’ont fait savoir lors de plusieurs jours de grève et de manifestations. Ils affirment que derrière ce tiers payant généralisé se profilent la fin programmée et la privatisation de la Sécurité sociale par un transfert progressif de la protection sociale vers l’assurance privée, et donc la fin de la possibilité offerte à tous les Français d’accéder à des soins de proximité de qualité, notamment pour les médecins exerçant dans des territoires ruraux ou de montagne qui ne disposent pas d’accès haut-débit – ADSL ou fibre.”
Mme Jacqueline Fraysse (GDR, Hauts-de-Seine) a dénoncé les “10 milliards d’économies” sur les dépenses de santé “en trois ans, dont 3 milliards pour les seuls hôpitaux, pourtant déjà au bord de l’asphyxie financière pour beaucoup d’entre eux”.
“Vous mécontentez ceux qui refusent le principe de la généralisation du tiers payant, a regretté M. Arnaud Robinet (LR, Marne), car ils considèrent, à juste titre, que nous allons transformer les Français en consommateurs de santé alors qu’ils devraient être davantage des patients responsables. Vous suscitez aussi des doutes parmi les professionnels qui ne sont pas forcément hostiles à cette mesure, mais qui voient bien que, techniquement, elle va transformer leur cabinet en secrétariat administratif et financier, alors que leur mission est de soigner nos concitoyens.”
“En imposant cette généralisation, vous privez le médecin de sa liberté et vous prenez le risque de dévaloriser les actes médicaux”, a regretté M. Arnaud Richard (UDI, Yvelines). S’agissant du paquet neutre il a critiqué l’absence de réponse aux questions posées par son groupe : “quelles mesures prendrez-vous pour lutter contre la contrebande ? Ne serait-il pas plus utile d’harmoniser les taux de fiscalité appliqués au tabac au sein de l’Union européenne ?”
Rejet en nouvelle lecture par le Sénat le 14 décembre 2015.
Le Sénat a adopté, par 188 voix pour et 155 contre la motion tendant à opposer la question préalable.
M. Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat a considéré que cette réforme devra être totalement remise en cause en cas d’alternance.
Les rapporteurs ont considéré que le texte, soumis au Sénat en nouvelle lecture “demeurait particulièrement disert, couvrant de très nombreux sujets, de façon parfois très détaillée, tout en renvoyant à des ordonnances sur des sujets importants”. Ils ont estimé que dans le délai contraint, du fait de la procédure accélérée engagée par le gouvernement, il “serait impossible aux députés de prendre en compte les modifications que le Sénat pourrait encore apporter au texte”. Ils ont, en effet, déclaré constater un grand nombre des sujets d’opposition entre les deux assemblées notamment :
- le paquet neutre et la date d’interdiction des arômes ;
- les modalités d’expérimentation des salles de consommation à moindre risque ;
- l’organisation des soins primaires ;
- l’obligation de négocier sur les installations en zones sous-denses et sur-denses lors du renouvellement de la convention médicale ;
- l’organisation de la permanence des soins ;
- la généralisation du tiers payant ;
- les missions de service public dans les établissements de santé ;
- la suppression de la participation des élus au comité stratégique des groupements hospitaliers de territoire ;
- la suppression de la mention du niveau « master » pour l’exercice en pratique avancée des paramédicaux ;
- le consentement présumé au don d’organes.
Adoption en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015.
Mme Marisol Touraine a rappelé qu’elle avait défendu un texte de “lutte contre les inégalités”, « contre l’immobilisme et la résignation”. “Au terme du processus parlementaire, je veux vous faire part, a-t-elle déclaré devant l’Assemblée nationale, malgré le climat peu serein qui a accompagné les derniers moments, d’une certaine forme d’émotion. Ce texte, nous y travaillons ensemble depuis bien plus longtemps encore que n’a duré son parcours parlementaire, puisque nous avions engagé, dès le printemps 2013, avec vous, avec les professionnels et avec tous les autres interlocuteurs, des travaux dans les régions pour répondre aux défis de la période.”
Jean Lalloy, chroniqueur