Suite de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
Rapporteurs à l’Assemblée nationale : Mmes Marie-Noëlle Battistel (SRC, Isère), Sabine Buis (SRC, Ardèche), M. Philippe Plisson (SRC, Gironde), Mme Ericka Bareigts (SRC, Réunion) et M. Denis Baupin (Ecologiste, Paris).
Rapporteur au Sénat : M. Ladislas Poniatowski (Les Républicains, Eure) et rapporteurs pour avis : Mme Françoise Férat (UDI, Marne), commission de la culture, de l’éducation et de la communication, MM. Jean-François Husson (Les Républicains, Meurthe-et-Moselle), commission des finances, et Louis Nègre (Les Républicains, Alpes-Maritimes), commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 octobre 2014.
Adoption en première lecture par le Sénat le 3 mars 2015.
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi, réunie le 10 mars 2015, a échoué. Les principaux points de désaccord concernaient la fixation à 2025 de la réduction à 50 % de la part du nucléaire, échéance supprimée par le Sénat, et le plafonnement à 63,2 gigawatts de la production d’électricité d’origine nucléaire que le Sénat avait élevé à 64,85 gigawatts afin d’éviter que la mise en service de l’EPR ne se traduise en 2017 par l’arrêt de deux réacteurs supplémentaires.
Adoption en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 26 mai 2015.
L’Assemblée nationale a réintroduit à la suite de la commission spéciale le plafonnement de la production nucléaire à 63,2 gigawatts.
Elle a adopté un amendement de Mme Marie-Noëlle Battistel ayant pour objet l’affectation de la totalité du produit de la redevance hydraulique attribuée aux communes au groupement auquel elles appartiennent, sous réserve de l’accord explicite de chacune des communes de ce groupement. Un sous-amendement de Mme Ericka Bareigts tendant à harmoniser à quatre mois les délais de recours au sujet des autorisations d’installation d’énergies renouvelables relevant de diverses règlementations a été adopté. Plusieurs amendements tendant à améliorer la prise en compte du changement climatique par les entreprises et les investisseurs défendus par le gouvernement ont été adoptés. Mme Ségolène Royal a demandé que l’analyse des risques financiers liés aux changements climatiques et les mesures que prend l’entreprise pour les réduire en mettant en œuvre une stratégie bas-carbone dans toutes les composantes de son activité figurent obligatoirement dans le rapport de son conseil d’administration. Afin de mettre en œuvre un engagement pris par la France au G2, le changement climatique sera pris en compte dans les tests de résistance aux crises régulièrement réalisés par le système financier sous le contrôle de la supervision bancaire. Des objectifs indicatifs d’augmentation de la part verte des investisseurs français seront mis en œuvre et les investisseurs institutionnels devront faire connaître les moyens qu’ils appliqueront pour les atteindre.
L’Assemblée a adopté la distance minimale de 500 mètres entre une éolienne et des habitations, réintroduite par la commission spéciale, alors que le Sénat avait porté cette distance à 1 000 mètres. Le préfet pourra toutefois relever cette distance sur le fondement d’une étude d’impact. En réponse aux députés ayant proposé de relever cette distance à 1 000 mètres, Mme Ségolène Royal a fait observer qu’ “une distance minimum de 1 000 mètres réduit de 90 % les zones possibles d’installation d’éoliennes”.
Le projet de loi a été adopté par 308 voix pour, 217 contre et 31 abstentions.
Les députés du groupe SRC ont voté pour sauf M. Christian Bataille (Nord) et 3 députés MRC ayant voté contre, Mme Delphine Batho (Deux-Sèvres) et M. Jean-Louis Bricout (Aisne) se sont abstenus. Les députés des groupes RRDP et écologiste se sont abstenus. Les membres du groupe GDR se sont abstenus sauf MM. Patrice Carvalho (Oise) et Alfred Marie-Jeanne (Martinique) qui ont voté contre. Les députés Les Républicains ont voté contre sauf M. Frédéric Lefebvre (Français établis hors de France) qui s’est abstenu. 16 députés UDI se sont abstenus et 12 ont voté contre.
M. Patrice Carvalho a critiqué une loi d’affichage présentant des “dangers pour le modèle énergétique français, qui a pourtant fait ses preuves en fournissant à nos concitoyens l’énergie la moins chère d’Europe en raison des choix faits et de la maîtrise publique que nous en avions”. Il a douté de l’efficacité des énergies renouvelables. Au regard de la situation de l’Allemagne “où, en raison de la fragilité et de l’intermittence des énergies renouvelables, on les double de centrales à charbon, ce qui fait exploser les tarifs pour le consommateur et accroît les émissions de CO2 que l’on prétend réduire”.
M. Julien Aubert (Les Républicains, Vaucluse) a critiqué un texte comportant “deux ou trois grands principes vagues et idéologiques perdus au milieu d’une multitude de mesures techniques, le tout non chiffré. Or construire 20 000 éoliennes, 600 kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques et démanteler vingt réacteurs en dix ans, tout cela a un coût”.
M. Bertrand Pancher (UDI, Meuse) a apostrophé Mme Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie : “en pleine loi sur la transition énergétique, vous avez osé pilonner l’écotaxe poids lourds, baisser la garde sur les certificats d’économies d’énergie et revenir sur la hausse programmée de la contribution climat-énergie”.
“Après des centaines d’heures de travail, voilà que l’Assemblée nationale démontre que l’on peut réconcilier la croissance, l’écologie et le social, que l’on peut préparer l’avenir de la planète en agissant tout de suite pour l’emploi et le pouvoir d’achat des Français, et enfin que l’on peut inventer notre futur en redonnant du pouvoir d’achat et en déclenchant tout de suite la croissance verte”, a déclaré après le vote Mme Ségolène Royal.
Adoption en nouvelle lecture par le Sénat le 15 juillet 2015.
Le Sénat a adopté le texte qu’il a modifié par 186 voix pour et 26 voix contre.
Il a reporté à 2025 au lieu de 2020 le délai limite de rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels consommant plus de 330 kWh d’énergie primaire. Il a rétabli l’obligation prévue à partir de 2030 pour les personnes cédant un bâtiment privé résidentiel d’effectuer des travaux de rénovation énergétique. Il a décidé de ne pas appliquer le dispositif de carnet numérique de suivi et d’entretien du logement aux logements sociaux. Il a renforcé les missions du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique afin que celui-ci puisse formuler un avis sur les travaux de normalisation menés dans le domaine de la construction. Il a adopté un amendement du gouvernement de modification de l’article 5 quater pour permettre à la Caisse des dépôts et consignations d’assurer le préfinancement du fonds dénommé “Enveloppe spéciale transition énergétique”. Il a modifié l’article 8 pour permettre la gestion de l’obligation fioul domestique par un groupement professionnel rassemblant les indépendants, afin de garantir l’efficacité du dispositif CEE en préservant l’équilibre concurrentiel des entreprises. Il a adopté conforme la suppression de la référence aux biocarburants de première génération, afin de ne pas encourager leur utilisation dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, mais plutôt celle des biocarburants avancés. Il a adopté un amendement du gouvernement afin que les produits phytopharmaceutiques (sauf exceptions – produits de biocontrôle figurant sur la liste prévue à l’article L.253-5 du Code rural et de la pêche maritime et des produits composés uniquement de substances de base au sens du règlement (CE) n° 1107/2009) ne puissent être cédés directement en libre-service à des utilisateurs non professionnels, les distributeurs devant respecter cette obligation dès le 1er janvier 2017 et il a décidé d’interdire l’usage des pesticides pour les particuliers en 2019. Il a modifié l’article 19 notamment pour ne pas encourager le développement de l’incinération par l’extension du tri à la source des déchets plastiques. Il a étendu l’interdiction des sacs de caisse en plastique aux sacs compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. Il a adopté un amendement du gouvernement complétant les sanctions liées au gaspillage alimentaire en ajoutant une amende pour la destruction des invendus alimentaires encore consommables. Il a modifié l’article 23 relatif à la création d’un dispositif de soutien aux énergies renouvelables fondé sur la vente directe de l’électricité sur le marché assortie du bénéfice d’une prime, appelée complément de rémunération, ayant prévu la mise en place d’un dispositif d’acheteur de secours en cas de défaillance de marché, quand les producteurs dont les installations bénéficient du complément de rémunération ne trouvent pas d’acheteur sur le marché (amendement du gouvernement). Il a modifié l’article 38 bis BA relatif aux distance d’éloignement des éoliennes par rapport aux zones d’habitation afin que chaque riverain d’un projet d’installation d’infrastructures éoliennes soit réellement associé et considéré lors de la réalisation des évaluations, enquêtes et études préalables par le biais d’une enquête publique. Il a supprimé le délai de rétractation et l’obligation d’information des propriétaires de terrain lors de la signature d’un bail avec un promoteur éolien. Il a imposé une obligation de résultats de performance énergétique à tous les industriels électro-intensifs bénéficiant de conditions particulières d’approvisionnement. Il a étendu le dispositif de soutien aux cogénérations industrielles de plus de 12 MW à toutes les entreprises ou sites consommant de la chaleur en continu. Il a précisé que la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse devra être définie et mise en œuvre à l’horizon 2017. Il a supprimé l’échéance du 31 décembre 2015 pour la publication de la première programmation pluriannuelle de l’énergie.
Adoption en lecture définitive par l’Assemblée nationale le 22 juillet 2015.
L’Assemblée nationale a adopté le quadruplement entre 2016 et 2030 du prix du carbone, par le biais de la contribution climat énergie, fixant la tonne de carbone au prix de 56 euros en 2022.
Décision du Conseil constitutionnel du 13 août 2015
Le Conseil constitutionnel a jugé la procédure d’adoption de la loi conforme à la Constitution, mais a jugé contraire à celle-ci plusieurs dispositions du texte et notamment l’article 6, relatif à la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels, au motif que le législateur n’avait pas suffisamment défini les conditions et les modalités de l’atteinte que la disposition portait au droit de propriété, et certaines dispositions de l’article 103 relatives au gaspillage alimentaire, qui avaient été introduites en nouvelle lecture en méconnaissance de la règle dite de “l’entonnoir” et avaient été ainsi adoptées selon une procédure contraire à la Constitution.
Jean Lalloy, chroniqueur